À force de ne pas être entendus dans leurs demandes, beaucoup de parents finissent par crier en pensant que hausser le ton leur permettra d’être entendus, ou parce qu’ils sont simplement à bout. Cette forme de communication est une V.E.O. (Violence dite Éducative Ordinaire) avec les mêmes impacts sur le cerveau de l’enfant que les châtiments corporels. Si vous avez conscience des effets délétères des cris, que vous vous retrouvez souvent à crier malgré cette conscience et regrettez aussitôt, vous cherchez peut-être alors à vous faire obéir sans crier ?
Sommaire 👉
La parentalité positive, on en parle ?
Des méthodes d’éducation inefficace et entretenant les V.E.O
Pour résoudre ce dilemme, l’éducation positive et la parentalité bienveillante nous vendent des méthodes d’éducation pour se faire obéir sans crier ni punir. Mais ces méthodes sont-elles efficaces ? Ma réponse est catégorique : non seulement elles ne sont pas efficaces, mais en plus elles vous enferment dans les V.E.O comme dans un cercle vicieux.
Un exemple classique est la diversion : si votre bambin s’éternise dans le bain vous lui demandez de sortir et il refuse. La parentalité positive vous invite alors à trouver de quoi l’attirer hors du bain par un jouet ou une activité qui lui ferait envie. La première fois ça peut fonctionner, mais très vite, ça ne marchera plus et frustré de cet échec vous reviendrez sur le schéma initial du rapport de force, de la posture autoritaire et des cris …
Pourquoi les méthodes de parentalité positive ne marchent pas ?
Parce qu’elles ne s’intéressent qu’à l’attente des parents : la demande qui pousse au désir d’obéissance. Or ces attentes ne sont pas toujours réalistes notamment concernant les capacités des enfants. Les parents pensent parfois à tort que leurs enfants sont des mini-adultes. Le cerveau de l’enfant est en maturation : ses capacités cérébrales sont en cours de développement, ils ne peuvent pas agir comme on attend d’eux simplement parce qu’on l’a décidé. De plus, l’obéissance n’est pas une compétence souhaitable pour un enfant et ne doit pas être un objectif éducationnel car l’obéissance crée un schéma de dépendance de l’enfant face aux décisions de l’adulte. C’est une véritable entrave à l’autonomisation.
Que se passe-t-il quand on cherche à se faire obéir sans crier ?
On tombe dans les manipulations
Quand on continue de chercher à se faire obéir sans crier, on ne se pose à aucun moment des questions sur la légitimité de notre demande : on part du principe que la demande est valable mais que l’enfant fait exprès de ne pas répondre, et donc on va chercher des astuces pour le manipuler à répondre à notre demande malgré tout.
Ces manipulations relèvent elles aussi des V.E.O. Elles se cachent derrière la discipline positive et toutes la “magie de la parentalité bienveillante/positive”. Une des manipulations les plus répandues est la technique du faux choix.
Un exemple classique : face à un enfant qui refuse de s’habiller on lui propose de choisir entre deux pulls ; un rouge et un vert. L’objectif est de lui donner l’illusion du choix pour lui-même alors que la finalité, s’habiller, est choisie par l’adulte.
On ignore les capacités réelles de l’enfant
De plus elles sont loin de fonctionner puisqu’elles ignorent un principe fondamental concernant le développement de l’enfant : un enfant fait toujours du mieux qu’il peut, s’il ne coopère pas c’est qu’il ne peut pas. C’est un principe fondamental de l’Accompagnement Respectueux des Enfants ® (ARE).
Alors, pourquoi l’enfant ne coopère pas ?
Les raisons varient :
L’enfant qui n’entend pas ne peut pas coopérer
L’enfant est concentré sur son activité, ou surstimulé par des bruits ambiants et il n’entend tout simplement pas la demande orale du parent. J’invite alors à s’assurer que la demande est bien entendue par l’enfant en essayant d’interagir autrement que par la voix : par le toucher. En mettant la main sur son épaule ou sur son avant bras, on obtient son attention et on peut ainsi engager la discussion pour valider la disponibilité de l’enfant.
Un adulte réagit rarement “à la demande” et un enfant, du fait de ses capacités réduites, peut encore moins répondre à nos demandes dans l’immédiat : il a besoin de temps, pour intégrer la demande, sortir de son activité. L’adulte doit alors utiliser ses capacités de patience.
L’enfant ne coopère pas s’il ne comprend pas la demande
Lorsqu’on demande à un enfant d’arrêter un comportement qu’on estime inaproprié par une demande verbale, on a tendance à tourner cette demande à la négative “ne saute pas sur le canapé”, “ne cours pas dans le magasin”, or son cerveau ne l’intègre pas.
Dans la logique psychomotrice qui régit son corps, un enfant dans l’action ne s’arrête pas sans alternative. Dès lors, pour faire cesser le comportement inapproprié, l’adulte doit proposer une autre action pour combler le besoin initial et transformer ainsi l’action en cours.
Exemple de situation
Prenons un exemple d’une maman en difficulté qui m’écrit :
« Lorsque j’étends le linge sur le fil, mon fils ne cesse de le décrocher. Je lui répète en vain d’arrêter. C’est épuisant, car il ne m’écoute pas. »
Quel est mon conseil en tant qu’ accompagnante en parentalité ?
Je propose à cette maman d’encourager son fils à faire autre chose, tout en restant dans l’action. L’enfant ne peut pas « juste » s’arrêter. Il doit remplir ce besoin de découverte, d’exploration qui le pousse à décrocher le linge. Pourquoi ne pas expliquer à son enfant comment participer à la tâche sans altérer les efforts de la maman ? En pliant le linge par exemple. L’expérience devient alors apaisée pour tout le monde.
Quand on n’arrive pas à se faire entendre malgré tout…
Les alternatives ne sont malheureusement pas toujours possibles :
- quand il y a un danger
- quand le parent est à cours de ressource pour comprendre le besoin de l’enfant et proposer des alternatives
- quand le parent a une contrainte forte
Il n’y a qu’en cas de danger où crier n’est pas toujours contrôlable parce que cela relève d’une réaction de survie. Mais cela n’en reste pas moins violent pour l’enfant et j’invite dans tous les cas à réparer en lui parlant à froid de ce qu’il s’est passé. Pour les autres cas, quand on en vient à imposer une décision, il n’y a pas à avoir recours aux cris ni à attendre l’obéissance. Au contraire il est sain pour l’enfant d’avoir la liberté d’exprimer son refus ou sa difficulté à coopérer.
C’est à nous d’accueillir cette difficulté et de l’accepter en prenant la responsabilité de nos manques de ressources dans l’instant, de nos contraintes d’adulte.
Comment le principe de responsabilité permet de changer ses attentes
Responsabilités et capacités de l’enfant
C’est à celui qui a le plus de capacités que revient la responsabilité à 100% de la qualité de la relation. C’est un principe de Marshall Rosenberg dans le cadre des relations non violentes. Dans la relation adulte-enfant c’est donc toujours à l’adulte de s’adapter tant que l’enfant n’a pas les capacités. Un enfant n’est pas toujours en capacité ni d’accueillir la demande de l’adulte ni de la comprendre.
Des situations récurrentes d’incompréhension sont directement liées aux capacités émotionnelles de l’enfant. L’enfant est facilement submergé par ses émotions qui vont le couper de ce qui l’entoure et de ses capacités à prendre du recul. Les connexions neuronales inhérentes à ces capacités ne commencent à s’établir qu’à partir de 6/7 ans. C’est un long processus qui se poursuit jusqu’à l’adolescence. Ainsi si on demande à un enfant de ranger ses chaussures à son retour de l’école, alors qu’il s’est disputé avec un camarade de classe un peu plus tôt, il risque d’être encore aux prises avec ses émotions. Il ne pourra pas répondre à la demande.
Dans un tel cas, j’invite les parents à lâcher prise. Quelle est la priorité pour l’enfant ? C’est l’accueil de son émotion : « Comment se sent-il ? », « Que ressent-il ? », etc. Tout est une question de capacité, mais aussi de besoin.
L’erreur à éviter
L’erreur en parentalité est d’agir selon nos seuls besoins. Or, nous devons gérer les besoins de nos enfants en priorité pour leur bon développement. En effet, nos enfants, eux, ne sont pas autonomes pour remplir leurs propres besoins. Cette responsabilité nous revient en plus de celle de remplir nos propres besoins.
Les risques quand on s’enferme sur nos seuls besoins :
Nous, les parents, n’avons plus aucune tolérance quand notre enfant ne répond pas à notre demande qui devient alors une exigence ; nous explosons par notre exigence parfois trop importante. Que se passe-t-il alors ? On essaie de se faire obéir, en portant la responsabilité sur l’enfant qui lui est en incapacité de répondre donc rapidement, on se met à crier pour se faire obéir ou à punir.
Mais au delà de ce mécanisme de décharge qui peut être à l’oeuvre malgré nous, il y a un plus gros problème quand on cherche à se faire obéir sans crier. L’effet insidieux de cette démarche c’est celui là même de prôner l’obéissance.
L’obéissance n’est pas une compétence, c’est une incapacité.
Lorsqu’on est dans une logique d’obéissance, on conditionne l’enfant aux rapports de force, à la loi du plus fort … Finalement, on apprend à l’enfant que le pouvoir soumet l’autre à ses exigences. Est-ce réellement cela qu’on souhaite transmettre à nos enfants ?
Posons-nous les bonnes questions : que va apprendre l’enfant dans ce rapport de force ?
La soumission
- Que dans la vie, n’importe qui de plus fort que lui, pourra le soumettre. C’est d’ailleurs le terreau du harcèlement scolaire. C’est aussi la racine de nombreuses exactions commises entre les hommes quand ils se soumettent à l’autorité, c’est l’enseignement qu’on peut tirer de l’expérience de Milgram. Les participants de l’expérience sont amenés à envoyer à des personnes (comédiens) des décharges sous les ordres de scientifiques en blouse blanche. Malgré les cris des victimes les participants obéissent aux ordres envoyant les décharges les plus fortes. Résultats qui vont à l’encontre de la prédiction des psychiatres expérimentateurs qui pensaient que seuls une minorité de personnes obéirait et qui montrent les risques d’une soumission à une autorité reconnue.
Lorsqu’on cherche à se faire obéir on peut avoir des effets destructeurs sur la personnalité de l’enfant et son développement. Laurence Dudek, pyschothérapeute, psychopédagogue et autrice de plusieurs livres, parle même d’une blessure psycho affective liée au fait de subir l’autorité.
La perte de l’esprit critique
- Que l’enfant doit sacrifier son esprit critique !
Saviez-vous que spontanément un enfant réfléchit avant de voir s’il doit obéir ou non ?
Une étude menée auprès d’enfants de 3 ans nous révèle que lorsqu’on demande quelque chose aux enfants, ils commencent par réfléchir sur la cohérence de ce qu’on leur demande et ne répondent à la demande qu’après avoir constaté qu’elle est cohérente ! On part de l’expérience du gobelet d’eau qu’on leur ordonne de remplir. Certains de ces gobelets sont troués et si l’enfant le remarque alors il ne répond pas à l’injonction. C’est précisément ces capacités d’analyse et de prise de décision qu’on détruit quand on cherche à tout prix à se faire obéir sans crier.
Contrairement à ce qu’on pense, les enfants apprennent à décider en prenant des décisions. Et non en apprenant à obéir.
L’entrave à l’autonomie
Tout parent vise l’indépendance de son enfant. Cette indépendance reste une projection lointaine, à l’aube de l’âge adulte de leur enfant, associant cet état à une situation future : “quand leurs enfants quitteront leur domicile”, “seront autonomes matériellement”, “subviendront à leurs propres besoins en toutes circonstances”.
Certains pensent même que « ça vient » avec l’âge : celui de la majorité comme si en une nuit nos enfants devenaient indépendants. Évidemment ça ne se passe pas comme ça, l’indépendance est un processus qui commence dès les premiers instants, à la naissance : celui où l’enfant utilise ses propres poumons pour s’oxygéner et ça vient tout naturellement, étape par étape. Nous avons la responsabilité de prendre en charge les besoins de nos enfants mais nous n’avons pas le droit de les enfermer dans la dépendance en les soumettant aux injonctions et aux ordres.
Une juste posture est celle de l’accompagnement : marcher à côté de nos enfants. C’est pour ça que je ne parle pas d’éducation qui implique de diriger, guider et montrer, ce qui ne va pas dans le sens de l’indépendance. Quand on se positionne en sachant, qui dirige, qui commande, celui qui montre le chemin, on ne laisse pas la place au choix de l’enfant d’emprunter son propre chemin pour lui même.
Être indépendant c’est savoir puiser dans ses propres ressources pour remplir ses besoins, ce n’est pas dépendre de l’avis, ni du commandement des autres, ni même de leur approbation sur nos choix pour nous mêmes.
Pour arrêter définitivement de chercher à se faire obéir sans crier
Vous avez épluché tous les conseils pour vous faire obéir sans crier ;non seulement vous continuez à craquer, mais vos enfants ne coopèrent pas plus. Vous avez été piégé par le miroir aux alouettes de la parentalité positive, de la parentalité bienveillante qui vous ont enfermé dans un cercle vicieux des violences dites éducatives ordinaires. Je comprends ce piège, les parents qui me consultent sont pour la plupart dans la même situation.
Pour sortir de ce piège, vous savez maintenant que vous devez changer vos attentes pour vous adapter aux capacités de votre enfant qui fait toujours du mieux qu’il peut.
Ainsi à chaque fois que votre enfant ne coopère pas :
- changez votre discours interne et demandez vous toujours ce qu’il en empêche concrètement là tout de suite : est-ce qu’il entend ? est-ce qu’il comprend ? est-ce que ma demande est réaliste ?
- proposez-lui des alternatives qui répondent à ses besoins, s’il y a des choses qu’il fait et qui ne sont pas ok (danger, dégradations, violences) : demandez-vous quel est le besoin qu’il cherchait à remplir à la base (découverte, exploration, motricité, contact …) pour proposer une stratégie plus acceptable.
Vous accompagnerez ainsi votre enfant de façon respectueuse sur le chemin de l’estime de soi, de l’autonomie et de la prise de responsabilité.
Si vous manquez de ressources et qu’il vous est encore difficile de décrypter les besoins de votre enfant, parce que vous êtes vous-mêmes en lutte pour remplir vos propres besoins, que vous êtes à bout, je vous invite à récupérer votre exemplaire offert du kit de survie spécial colère :
Foire Aux Questions
Parce qu’on sait que les cris sont délétères pour le développement de l’enfant et relèvent des violences dites éducatives ordinaires (VEO) qui ont été proscrites en France par la loi du 10 juillet 2019.
La question de l’alternative se pose quand on reste dans une logique de soumission à l’obéissance et d’autorité. Quand on décide d’abandonner la logique de soumission, il n’y a plus besoin de chercher une alternative pour maintenir l’obéissance ni une éducation basée sur l’autorité.
Un enfant coopère toujours s’il peut, s’il ne coopère pas j’invite à comprendre ce qui l’en empêche.
Les enfants font ce qu’ils font pour remplir leurs besoins, ils utilisent pour cela des stratégies et toutes les stratégies ne sont pas acceptables. Une démarche d’accompagnement respectueux des enfants est de chercher des stratégies alternatives acceptables pour continuer de remplir le besoin initial.
Maja Mijailovic – Accompagnante parentalité
J’ai bcp aimé votre article. Très pertinent sur la notion d’obéissance.
Mais je trouve les propositions d’alternatives n’est pas assez au rendez-vous. Mis à part responsabiliser, voir culpabiliser les parents uniquement et leur demander d’apprendre à gérer par eux meme, je ne trouve pas que ça aide les parents. Je vous avoue que la phrase « C’est à celui qui a le plus de capacités que revient la responsabilité à 100% de la qualité de la relation » m’a donné envie de faire ctrl+z sur ma vie pour annuler tout cette aventure parentalité et redevenir responsable uniquement de moi-meme.
Or je ne pense pas que ca soir vrai, les enfant ont aussi leur part dans cette qualité de relation et il doit exister des moyens pour les aider à l’améliorer.
Je ne les ai pas non plus ce moyens. Mais je voudrais qu’on ai de la bienveillance pour les parents aussi. Ce sont des humains
Bonjour Siham merci pour votre commentaire.
C’est difficile de proposer des alternatives sur des problèmes qu’on ignore : à quel sujet avez-vous besoin d’alternatives exactement ?
Il est important de ne pas confondre responsabilité et culpabilité oui car ce sont des notions différentes.
Je comprends que le principe de Marshall Rosenberg que la qualité de la relation vous incoforte et que vous ne soyez pas d’accord avec mais on peut avoir de l’empathie pour un enfant sans tomber dans la parentification qui consiste à faire porter à l’enfant des responsabilités qui ne lui incombent pas (comme la responsabilité de la relation).
Tant qu’on a cette vision on sera dans l’attente irréaliste et il n’y a aucune raison alors pour que les schémas délétères qui dégradent la relation s’améliorent si on rejette la responsabilité sur l’enfant et si on refuse de reprendre son pouvoir à la changer.
Et si c’est effectivement votre vision et votre attente vous ne trouverez rien dans mes ressources en ce sens car contrairement à d’autres professionnels j’ai choisi de ne pas dire aux parents ce qu’ils veulent entendre et qui les enferment : dans des situations délétères mais aussi dans la dépendance de la relation d’aide parce qu’ils attendent que des experts « aident leur enfant à changer de comportement », j’ai choisi de donner aux parents des ressources qui leur permettent d’évoluer en autonomie.
Sur mes espaces il y a des ressources gratuites mises à disposition pour cela et puis pour aller plus loin si cela n’est pas suffisant et qu’il faut une aide personnalisée il y a des accompagnements, notamment celui du Cercle des Parents.
Avec toute mon empathie
Maja