Hauts potentiels, précoces, hypersensibles, zèbres, DYS. et autres “neuroatypiques”, ces enfants vivent des particularités liées au fonctionnement de leur cerveau. Mais lorsque celles-ci entraînent des troubles au niveau du comportement, comme entre autres, des décharges de colère très fréquentes et virulentes… Comment réagir ? Que faire pour atténuer ses réactions agressives ?
De nombreux parents se sentent submergés par les colères de leurs enfants. Ce n’est pas faute d’y mettre toute leur bonne volonté.
Mais quand les hurlements, les coups et autres comportements impulsifs sont notre lot quotidien, peut-on vraiment rester zen ?
La littérature à ce sujet ne manque pas, pourtant on retrouve dans la plupart des conseils aux parents d’enfants dits atypiques de nombreuses inepties qui ne font qu’entretenir les mêmes cercles vicieux.
Afin d’échanger vos “lunettes” pour celles de l’Accompagnement Respectueux de l’Enfant, je vous invite à explorer les pistes suivantes.
Sommaire 👉
Comprendre les « problèmes de comportement » et l’agressivité des enfants neuroatypiques (haut potentiel / précoce / hypersensible / DYS…)
D’un point de vue cérébral, une personne neuro-atypique perçoit le monde par ses 5 sens d’une façon bien modifiée.
Bien évidemment, le cerveau et sa plasticité diffèrent toujours d’un individu à l’autre. Mais chez les individus identifiés comme « surdoués », à haut potentiel, hypersensibles, atteints de DYS., etc., les degrés de variation peuvent paraître extrêmes.
On observe 3 niveaux de variations :
- Dans la perception : la manière dont on reçoit les informations.
C’est pourquoi, par exemple, une personne présentant un trouble du déficit de l’attention (TDA/H) a une perception si accrue des détails qui l’entoure qu’elle ne peut rester focalisée sur une chose à la fois. Elle peut se sentir submergée, même dans un environnement ne paraissant pas “surstimulant” à la majorité de la population.
- Dans l’intégration neuro-sensorielle : la manière dont les données sont traitées par le cerveau.
Dans nos cerveaux, les informations circulent au travers des circuits neuronaux. Chez la personne neuro-atypique, ces circuits peuvent varier, l’information ne circule alors pas de la même façon. Elle peut stagner au niveau émotionnel par exemple, c’est le cas chez les personnes qui ont besoin de temps pour prendre du recul sur une situation. Il existe aussi une “carence” ou un retard de maturation de certains circuits chez de nombreux enfants neuroatypiques. C’est ce qui explique, entre autres, des troubles du comportement et autres difficultés dans la maîtrise de l’expression des émotions.
Tenir compte du décalage entre « précocité » / capacités intellectuelles et aptitudes émotionnelles
Mon enfant est très doué / mature / en avance pour son âge, alors pourquoi fait-il des crises aussi disproportionnées ?
C’est une réflexion récurrente chez les parents d’enfants dits à haut potentiel / précoces / neuroatypiques. Et la frustration engendrée par l’observation de ce décalage entre aptitudes extraordinaires et “retard” d’un point de vue émotionnel peut vraiment entraver l’accompagnement des crises.
Afin d’accueillir avec empathie les émotions de votre enfant, vous avez besoin de comprendre ce qu’il se passe.
On a vu plus haut les 2 premiers niveaux de différences dans la circulation des informations dans le cerveau. Elles peuvent circuler très vite dans certaines zones et à l’inverse, très lentement, voire pas du tout, dans d’autres zones du cerveau.
➜ C’est une première explication du décalage entre des capacités de raisonnement ou aptitudes hors-norme et des compétences émotionnelles beaucoup plus restreintes.
Mais après le traitement de l’information, une 3ème variable s’ajoute : c’est la restitution. Pour montrer ce qu’on a compris, intégré comme stimuli, on va s’exprimer verbalement et/ou par des comportements. Cette expression de l’information est très variable d’un individu à l’autre et, vous l’aurez compris, dans le cas du neuroatypisme, elle va d’autant plus différer (du plus intense au plus atténué).
En effet, les informations perçues et intégrées de façon différente chez les individus neuroatypiques vont aussi se traduire de façon différente dans les comportements : les réactions pourront paraître « exagérées » tellement les émotions seront exprimées intensément. Elles se traduiront souvent par des comportements non socialement convenables (parfois avec violence) même à un âge plus avancé où l’on considérera que « C’est bon maintenant il/elle est sensé.e savoir se (re)tenir ».
On retrouvera parfois des comportements ritualisés et des lots de « TOC ».
Et parfois, ce sera un désintérêt pour des domaines qu’on trouve courant chez les autres enfants.
➜ C’est par exemple ce qui est observable dans le cadre des relations sociales chez certaines personnes identifiées TSA : il peut exister une absence de l’appétence au relationnel et toute l’expression des émotions qui s’ensuit.
Évidemment, ces 3 niveaux de variables (perception des données, intégration et restitution/expression) peuvent entraîner un nombre infini de personnalités différentes.
À partir de quel âge l’enfant neuroatypique (HPI / TSA / TDAH / DYS …) peut-il apprendre à gérer sa colère ?
En conséquence des écarts de maturation de certaines zones cérébrales, la mise en place des fonctions exécutives peut mettre beaucoup de temps chez certains enfants.
De nombreux parents peuvent ressentir une lassitude d’avoir à accompagner ces “retards” et s’impatientent de voir enfin une évolution.
L’accueil des crises de colère et autres troubles du comportement, hypersensibilité, agressivité, etc. peut être extrêmement énergivore et nos ressources ne sont pas toujours abondantes.
➜ En revanche, ces difficultés peuvent durer donc je ne veux pas donner de “faux espoirs” qui pourraient engendrer des attentes irréalistes sur le “bout du tunnel”.
Ce sur quoi je vous invite à porter votre attention plutôt c’est le dialogue intérieur que vous avez à propos de ce décalage. Bien souvent, les difficultés augmentent selon notre interprétation de la différence, selon les attentes qu’on a de notre enfant. Parce que ces lunettes que l’on porte orientent nos réactions, nos postures.
➜ Comme il est préférable d’actionner le pouvoir de l’empathie, prêter attention à nos pensées et tenter de modifier celles qui nous font glisser vers des comportements non souhaitables est bien plus fructueux que d’attendre “passivement” une maturation complète du cerveau de notre petit atypique.
Analyser ce qui déclenche les troubles du comportement / crises de colère chez l’enfant neuroatypique / précoce / hypersensible
Quel que soit son fonctionnement, un enfant sait qu’il est en sécurité auprès de ses parents / figures d’attachement, donc il va toujours se “lâcher” plus facilement auprès d’eux.
Il va être lui-même dans toute son intensité.
➜ C’est ce qui amène souvent à des crises de décharge, par exemple quand l’enfant rentre de l’école/la crèche.
Il se peut qu’à l’extérieur, il se résigne tant face à la violence qu’il « étouffe » certains de ses comportements parce qu’il a acquis qu’ils seraient mal accueillis.
➜ Ces crises de décharge se doivent d’être accompagnées avec le plus d’empathie possible pour permettre aux émotions de parcourir leur cheminement “écologique”, sans rester bloquées / non digérées.
Pour d’autres situations observables qui déclenchent des crises de colère ou divers troubles du comportement, il sera toujours plus judicieux d’essayer de modifier votre organisation / vos choix, afin d’éviter la répétition du contexte qui pose problème. Tenter de raisonner votre enfant ou le forcer à surmonter ses difficultés ne sera que contre-productif.
➜ C’est le cas par exemple des changements dans l’environnement.
Il peut y avoir plus de crises, de tempêtes émotionnelles chez l’enfant dit précoce / atypique si les routines sont très importantes pour lui.
Attention toutefois, contrairement à certains stéréotypes, cette importance d’avoir des rituels presque immuables n’existe pas chez tous les enfants neuroatypiques, bien au contraire c’est une véritable source de souffrances pour certains.
Accompagner la colère / les tempêtes émotionnelles de l’enfant précoce / neuroatypique / hypersensible
Mon enfant neuroatypique fait une crise, comment le calmer ?
Imaginez les émotions comme des vagues.
Nos enfants ne sont pas équipés pour les affronter seuls. Nous sommes alors en quelque sorte leur bouée, celle qui leur permet de ne pas se sentir submergés par leurs émotions.
La clé qui nous rend efficaces, c’est l’empathie : cette compétence innée qui nous permet de recevoir les émotions des autres. La “digestion” des émotions est bonifiée lorsque nous les vivons dans la reliance.
➜ Notre objectif en tant que parent est donc d’aider notre enfant à traverser le tumulte en l’accompagnant plutôt qu’en essayant de résoudre le problème à chaud, au moment où il se présente.
- Verbaliser le problème pour l’enfant si on l’a identifié spontanément est louable, mais ce n’est pas la priorité en situation de crise.
- À froid, au moins plusieurs heures après, on pourra reparler de la situation en posant des mots sur ce qui s’est passé pour élargir son référentiel, qui lui servira à verbaliser à terme, quand il sera en capacité de le faire.
➜ Dans le cas des comportements violents, la posture S.A.V.E. (cf. ci-dessous) reste la meilleure posture, quelle que soit la situation.
Si la difficulté est de votre côté, si les comportements de votre enfant vous exaspèrent, que la situation vous étouffe, je vous invite à toujours vous appuyer sur le kit colère et sur l’article “Maman à bout VS enfant en crise”.
Les stratégies de repli, de sauvegarde vont vous préserver vous et votre enfant des automatismes de violence. Si vous avez déjà des professionnels qui vous suivent, n’hésitez pas à reprendre contact pour profiter d’un effet “soupape” quand vous sentez que vous n’en pouvez plus.
Mon enfant précoce / HPI / neuroatypique est agressif : les fausses bonnes astuces à éviter
Les enfants dits neuroatypiques peuvent avoir besoin d’un accompagnement plus particulier au quotidien. Mais tous les principes de l’accompagnement respectueux valent de la même façon pour ces enfants-là, il n’y a rien à remettre en question de ce côté-là.
On entend parfois qu’au prétexte de neuroatypie ou handicap, il faudrait une approche différente, qu’il ne faudrait pas faire preuve d’autant de tolérance auprès d’eux, qu’ils auraient besoin de plus de fermeté, de limites, etc. On voit même certains “experts” conseiller clairement des violences éducatives envers ces enfants-là.
➜ Toute pratique impliquant un rapport de force (contention, isolement, punitions, chantage, etc.) est évidemment à bannir.
Mais au-delà de ces postures violentes, il est toujours préférable de revoir nos attentes avant tout.
- Pour rappel, le seul objectif est d’accompagner la décharge émotionnelle en préservant la sécurité de tous.
- User de méthodes et astuces en tous genres en vue d’avoir un enfant “sage”, qui exprime ses frustrations calmement est inopportun, voire malsain.
- La colère est une émotion saine et utile au même que toutes les autres, il ne faut pas vouloir l’empêcher ni même la taire, mais il existe bien sûr des moyens de diminuer la virulence des comportements.
Mon enfant haut potentiel / précoce / neuroatypique se montre violent, comment réagir ?
Quelles que soient ses particularités, la posture S.A.V.E. permet d’accompagner avec respect l’enfant dans son état émotionnel quand il commence à être submergé.
La différence chez les enfants neuroatypiques, c’est que ces états peuvent être très fréquents et très intenses. C’est pourquoi je vous invite en premier lieu à vérifier que votre état émotionnel soit propice à soutenir votre enfant.
Si ce n’est pas le cas, prenez en charge vos besoins, prenez le temps de décharger vos états d’âme à l’écart de votre enfant, il ne faut pas hésiter à prendre en compte votre état émotionnel en priorité.
➜ La posture S.A.V.E. prend tout son sens à partir du moment où vous êtes serein et apaisé pour accompagner votre enfant d’une façon qui ne risque pas de virer au rapport de force et aux violences.
Pour rappel, la posture S.A.V.E. :
- S : stopper les gestes et comportements violents, physiquement. Parer les coups sans contenir, sans prendre le dessus par la force pour ne pas rentrer dans un cercle vicieux et une échelle de la violence. Rien ne justifie la contention, qui est trop souvent amalgamée à la contenance qui elle est enveloppante, sécurisante. La contention n’est pas sécurisante au sens affectif, elle peut par contre parfois être nécessaire pour éviter la mise en danger. Il est donc délicat d’avoir le juste dosage et c’est pour ça que je vous invite à toujours vérifier votre propre état qui garantit la juste posture dans ces situations.
- A : accueillir ce qu’il se passe pour l’enfant, le débordement émotionnel, cette vague que l’enfant est en train de vivre est légitime, il y a sûrement un besoin derrière donc il doit sentir que vous êtes dans l’accueil. Malgré cette récurrence, cette intensité et sa différence qui peuvent paraître “exagérées” aux yeux de tous, vous, vous êtes à son écoute, sans jugement, sans lui faire sentir qu’il est “anormal”.
- V : valider, cette phase plus verbale est aussi parfois plus délicate chez l’enfant neuroatypique. Du fait de ses particularités, il peut se sentir déjà submergé d’un point de vue auditif donc le fait de parler peut l’envahir davantage. Donc selon l’enfant et son état dans l’instant, il faudra doser et parfois être très succinct, simplement valider verbalement ce qu’il se passe, que ces besoins sont légitimes, etc.
- E : encourager : l’idée c’est de lui permettre d’avoir d’autres idées de réponses que la violence qui arrive “par défaut”, par automatisme et d’ancrer petit à petit d’autres réflexes quand les vagues émotionnelles le submerge. Cet encouragement doit aussi être dosé, parfois très succinctement en fonction de l’enfant, de ses capacités, de ce qu’il est prêt à entendre. Et surtout, elle doit rester une incitation accompagnée d’un renouvellement de notre confiance, sans devenir une injonction voire une menace. Donner des alternatives concrètes à intégrer, un encouragement qui doit se faire surtout à froid.
Accompagner nos propres émotions de parent d’enfant précoce / neuroatypique / haut potentiel
Au quotidien parfois, du fait du neuroatypisme de l’enfant, on peut être vraiment “challengés”, avoir des difficultés à appliquer certains conseils de l’accompagnement respectueux.
Une des principales difficultés vient de la différence de tempérament ; l’écart entre votre perception des choses en tant qu’adulte et la façon dont votre enfant perçoit son environnement.
Quand il y a une pathologie, qu’il y a une prise en charge, celle-ci aussi peut augmenter les difficultés par les contraintes qu’elle entraîne.
Mais sur les sujets plus “classiques”, l’idée première est de s’autoriser à ressentir des difficultés, à ne pas réussir à répondre à tous les besoins en temps et en heure, à manquer de ressources. Parfois ce niveau est à 0, mais il y est possible de rester respectueux, même lorsqu’on est à court de carburant.
➜ Lorsque vous êtes submergés par votre propre colère, il ne faut pas hésiter à vous appuyer sur des ressources pour vous-même, du relais, des réseaux, pour bénéficier d’une empathie qui vous est nécessaire.
Le but n’est pas d’obtenir des réponses, conseils sur votre situation, mais de reprendre des forces pour vous-même de manière générale.
L’essentiel est de retrouver un certain apaisement interne vous permettant d’apaiser vos réactions et de rester dans une relation respectueuse malgré les difficultés.
Précocité / haut potentiel / neuroatypie et colère : Le récap’
- De manière générale, comme pour les autres enfants, les comportements agressifs / violents (cris, tapes, coups, jets d’objets, etc.) s’accompagnent par la posture S.A.V.E. et à froid par un rappel des alternatives possibles, sans violence.
- Il est indispensable d’avoir une compréhension de l’agressivité chez l’enfant précoce / haut potentiel / neuroatypique / hyperactif et du temps qu’il peut prendre à évoluer vers des automatismes non violents.
- Cette empathie si essentielle fait parfois défaut, justement parce qu’il est surprenant d’observer un tel décalage entre acquisitions intellectuelles et réactions émotionnelles.
- L’adolescence et ses changements hormonaux peuvent également faire perdurer des réflexes impulsifs.
- Cela ne signifie pas qu’il faut les banaliser ni même les tolérer, cela signifie que dans votre rôle de parent, cet accompagnement va durer plus longtemps.
Maja Mijailovic - Accompagnante parentalité