Vous avez l’impression que votre enfant n’a de cesse de se confronter à vous ? Il refuse constamment ce que vous lui demandez et à l’inverse, il formule ses demandes comme des exigences ? Chaque frustration le fait hurler et se rouler par terre, comme s’il ne pouvait pas la supporter ? Alors, la phase d’opposition / frustration : info ou intox ?
Lorsque nos enfants semblent traverser ce qui ressemble à une “crise des 2 ans”, ou aussi appelée “terrible two”, on peut se retrouver franchement démunis (ou de la même façon plus tard avec le “fucking four”). Dans cet article, je vous livre de nombreuses réponses qui vous permettront d’accompagner au mieux vos enfants, grâce à la compréhension de ce qu’il se passe réellement pour eux.
Les enfants semblent exiger leurs envies et s’opposent à nos demandes
Pourquoi mon enfant refuse-t-il tout, tout le temps ?
“Il/Elle dit non à tout !” mais pourquoi donc ?
Et si la fameuse “période du non” n’était pas aussi normale qu’on nous le fait croire ?
Pourquoi il/elle exige toujours “tout, tout de suite” ?
C’est “tout, tout de suite!”
Effectivement, leurs demandes peuvent paraître maladroitement formulées si l’on s’en tient aux habiletés sociales que nous avons apprises. Or chez les petits, la politesse n’est pas encore intégrée et surtout, l’expression de leurs besoins va de pair avec leur façon d’expérimenter la vie : dans l’immédiateté !
En réalité, c’est un préjugé de penser que les enfants “exigent” des choses.
Ce n’est qu’à partir de 6/7 que les connexions cérébrales entre la zone préfrontale (le COF, centre de décisions) et la partie “basse” (amygdale, qui régit les émotions et hypothalamus, siège du sommeil, de la faim, etc.) commencent à s’établir pour favoriser les fonctions exécutives comme l’inhibition de l’action.
Cela explique concrètement pourquoi l’enfant semble démontrer une urgence vitale à chaque besoin exprimé : il le vit réellement de cette façon puisqu’il ne possède pas encore les capacités de prendre du recul et de se raisonner pour différer son besoin.
C’est aussi ce qui mène à des crises virulentes qui font perdre leur sang-froid à de nombreux parents. Retrouvez plus d’informations au sujet des comportements “difficiles” dans l’article “C’est la crise ! Mon enfant crie, frappe, jette !”
Pourquoi il/elle me fait ce cinéma ?
Une fois qu’on a intégré ces différences de capacités (et de maturité) cérébrales entre adultes et enfants, on peut évaluer ce que cela génère pour l’expression des émotions ;
Vous l’avez sans doute déjà entendu : les caprices, ça n’existe pas.
- Les émotions des enfants sont toujours sincères et non “exagérées”,*
- Ce ne sont pas des caprices ou du cinéma,
- Ces termes sont utilisés par les adultes qui ne comprennent pas ce qu’il se passe pour l’enfant et pensent (parce qu’on leur a inculqué ça depuis toujours) que l’enfant se joue d’eux pour obtenir ce qu’il désire.
Les enfants n’ont pas le même référentiel que les adultes ni leurs capacités. Donc, contrairement aux adultes, ils ne peuvent pas prendre une distance nécessaire lorsqu’ils traversent certaines situations. Leurs émotions (de peur, de colère, etc.) peuvent nous paraître démesurées par rapport à l’élément déclencheur, et pourtant, en réalité, c’est une vraie épreuve pour eux.
En adoptant une posture soutenante, empathique et respectueuse, nous favorisons le processus d’autonomisation de nos enfants. Celle-là même qui leur permettra, étape par étape, de prendre en charge leurs propres besoins et ainsi de gérer l’expression de leurs émotions.
Pourquoi les enfants ne supportent-ils pas la frustration ?
Ils n’ont aucune patience
“Donne-moi !”, “Je veux !”…
Ces mêmes connexions cérébrales (qui ne se forment qu’à partir de 6/7 ans) entraînent un autre effet logique : l’impossibilité de se montrer patient !
- Puisqu’il ne peut différer un besoin ni tempérer ses émotions par le raisonnement, l’enfant reste dans l’immédiateté.
- Savoir patienter est une compétence qui nécessite ces prérequis physiologiques et un développement progressif basé sur l’apprentissage.
Garder ces informations à l’esprit permet de solliciter notre empathie lorsque certaines injonctions nous contrarient.
En attendant que la patience se fasse plus réalisable (grâce à la maturation du cerveau) :
- La base étant de ne pas formuler d’injonctions nous-mêmes dans nos demandes auprès de l’enfant,
- À froid, on peut l’aider à formuler autrement,
- Avec de l’empathie, on change naturellement de posture passant de “il va devoir apprendre” à “je vais l’aider en attendant qu’il apprenne”.
“Oui, mais quand il n’y a pas d’autres choix ?!”
Sachant que nous, adultes, pouvons différer nos besoins puisque nous avons acquis cette compétence, il s’agit de faire de son mieux pour écouter et répondre aux besoins de l’enfant.
Plus il observe que ses besoins sont respectés, plus il aura de chance de surmonter facilement la difficulté d’une impossibilité temporaire pour nous de répondre à un besoin immédiat. Et dans ce cas, il est primordial de respecter l’expression des émotions de l’enfant, de lui expliquer que l’on comprend que ce soit difficile, que tout de suite ce n’est pas possible, mais qu’on pourra l’aider de telle façon ou à tel moment.
Ils sont submergés par leurs émotions
Comme expliqué plus haut, le cerveau de l’enfant est encore très immature.
Il manque de connexions neuronales entre le COF (cortex orbitofrontal : siège des décisions, de la raison, etc.) et l’amygdale (siège des émotions).
Celles-ci permettent de vivre moins intensément les émotions et de les exprimer de façon “convenable” (qui ne blesse personne).
En attendant, les conséquences de cette inexistence sont multiples :
- Les enfants peuvent crier, hurler, s’agiter, se rouler par terre, frapper et mordre pour exprimer leurs émotions (peur, joie, colère…),
- Ils/elles n’entendent pas quand on leur parle lorsqu’une émotion est présente et les submerge,
- Ils/elles ne peuvent pas répondre quand on les questionne sur leur état avec des “pourquoi” : au mieux, ils répondent un peu n’importe quoi, au pire cela crée des courts-circuits et intensifie l’état émotionnel,
- Les enfants n’ont pas non plus la capacité de réévaluer : prendre du recul, s’apaiser, voir la situation sous un autre angle, considérer l’attitude de l’autre différemment, chercher des solutions…Ce sont des capacités dont dispose un cerveau mature comme est supposé l’être celui de l’adulte.
Quand l’enfant montre qu’il vit un véritable drame pour une banane tombée au sol ou parce qu’on lui a donné le verre bleu au lieu du rouge, ce n’est ni de la comédie ni un caprice. C’est la manifestation de la tempête qu’il vit à l’intérieur. Ça nous semble dérisoire à nous qui avons cette capacité, mais pour l’enfant c’est très sérieux.
Idéalement, on devrait pouvoir arriver à être la bouée de sauvetage dont notre enfant a besoin pour la tempête qu’il vit :
- Être présent et connecté à lui,
- Qu’il se sente entendu et soutenu,
- Qu’il se sente aimé inconditionnellement,
- Qu’on puisse lui donner les alternatives et surtout la confiance dont il a besoin le temps qu’il apprenne à faire autrement.
Le mythe de l’entraînement à la frustration
Une éducation à base de VEO (violences éducatives ordinaires) cause du retard dans le développement des fonctions cognitives.
Certains enfants semblent “sages” ; ils expriment très peu leurs émotions. C’est souvent le résultat d’un conditionnement à la sidération. Lorsque le cerveau atteint un trop grand niveau de stress à gérer, il “disjoncte” : on se retrouve sidéré. Ce n’est donc pas un objectif à atteindre que de vouloir faire taire les émotions de nos enfants (pour qu’en apparence ils soient calmes et immobiles) au point d’abîmer leur cerveau.
Alors j’entends que l’état émotionnel des enfants n’est pas facile à vivre pour les adultes qui ont été conditionnés à la sidération, du fait des violences qu’ils ont eux-mêmes subies.
Aider l’enfant à traverser ses tempêtes émotionnelles, ça implique qu’on soit déjà au clair avec nos propres émotions :
- Qu’on s’autorise à en avoir déjà, en arrêtant de parler d’elles comme “négatives” ou “positives”: elles ont toutes une utilité (il y a cependant des émotions parasites qui sont issues de traumatismes ou conditionnements, c’est un autre sujet)
- S’autoriser à avoir des émotions, c’est arrêter de vouloir les cacher, les refouler, les maîtriser, les canaliser ou les gérer : bien sûr, on doit pouvoir les exprimer sans blesser personne, mais elles doivent pouvoir être exprimées,
- C’est aussi bien comprendre ce qu’elles nous disent et surtout se rappeler que nos émotions ne définissent pas notre personne (être colérique, peureux, etc. ce sont des étiquettes !).
Et pour ce qui est de la frustration, il y a encore un mythe qui entrave nos bons réflexes de parents : celui à base de “frustration nécessaire”, indispensable à la “bonne éducation” des enfants.
En réalité, c’est comme si l’on exposait l’enfant à des maladies de façon régulière afin de forger son système immunitaire. Ce qui se produit (par un mécanisme de stress) c’est tout l’inverse : on le fragilise. Il en est de même pour la frustration : on ne peut pas “entraîner” à la frustration, pas plus qu’on ne peut entraîner à la marche).
L’enfant a besoin de prérequis physiologiques pour développer la compétence de différer un besoin, donc d’apprendre à patienter.
D’autant que l’état de frustration n’est pas sain : il manifeste le non-remplissage d’un besoin.
Comment gérer la période d’opposition ?
Quand l’enfant a un besoin immédiat
Vous vous dites peut-être : “Super Maja, mais concrètement, que faire quand l’enfant a un besoin immédiat auquel on ne peut pas répondre dans la seconde ?”
Évidemment, cela arrive plus ou moins fréquemment selon nos choix de vie. Mais ça s’accompagne toujours ! Je vous invite à :
- Valider le besoin de l’enfant,
- Prendre la responsabilité de votre incapacité/impossibilité : “J’ai entendu/compris que tu as besoin de…, je peux t’aider quand… ou dans *tant* de temps.”
- Aider votre enfant à patienter pendant ce temps, en reconnaissant aussi sa difficulté à patienter.
Et les limites alors ?
Les limites à placer, le cadre à imposer, les barrières à définir, les règles à faire respecter, les interdits à poser… La plupart des adultes prônent ces postures sans les remettre en question.
Même dans la parentalité dite positive, on retrouve l’idée de limites “nécessaires”, posées avec “bienveillance”, de règles à mettre en place, etc.
Il s’agit en réalité de formaliser par des principes plus ou moins figés, ce qu’un enfant peut faire ou ne pas faire. Et oui ! Rares sont ces principes qui s’appliquent aux adultes… Et ces limites sont souvent décidées par ces derniers de façon très arbitraire.
Certains vont même prôner que les enfants en ont besoin…
Pour rappel :
- Le besoin de limites, cela n’existe pas,
- Au mieux, c’est une justification des adultes par ignorance des besoins,
- Au pire, c’est une régurgitation de mythes psychanalytiques d’un autre siècle.
Aucun individu n’a besoin qu’on lui impose des limites, par contre tous les individus ont des besoins à remplir.
Les enfants apprennent les limites de chacun par le vivre ensemble, en les expérimentant, en se construisant un référentiel interne à ce sujet, dans les interactions humaines et d’une façon écologique pour tous.
À condition qu’on reste cohérent : en respectant nous, en tant qu’adultes, les limites des enfants, leurs capacités, leurs états émotionnels, leur consentement.
Lorsqu’on a compris ça, on ne peut plus prôner les limites et surtout on aura fait sauter nos pensées limitantes.
Phase d’opposition / frustration chez l’enfant : Récap’
- Le cerveau des enfants est en pleine maturation : certaines connexions cérébrales ne commencent à se développer qu’à l’âge de 6/7 ans,
- Cela les rend “impatients” et les empêche de prendre du recul, raisonner, se calmer,
- Ces incapacités étant liées à des processus physiologiques, il ne faut pas croire qu’un enfant le fait “exprès” ou qu’il exagère (de la même façon que lorsqu’il apprend à se lever, il tombe de nombreuses fois avant de pouvoir commencer à marcher),
- Un accompagnement respectueux permet une meilleure maturation cérébrale : il ne peut y avoir de précocité, mais :
- Les postures éducationnelles qui prônent la frustration comme étant “nécessaire” et qui sous-tendent l’idée que l’enfant n’a pas à s’opposer entravent le processus normal de connexions neuronales.
Vous recherchez des informations concrètes et rigoureuses (sur le sommeil, l’alimentation, l’hygiène ou encore les écrans) pour vous épauler vers un quotidien plus apaisé avec vos enfants ? Téléchargez les Dossiers Thématiques prévus à cet effet en cliquant juste ici.
Maja Mijailovic – Accompagnante parentalité
Lire aussi :
Crises au coucher à 2-3 ans : Comment les éviter ? Est-ce le terrible two qui perturbe son sommeil ?
Qu’est-ce que le “terrible two” ? Mieux comprendre pour trouver des solutions
Comment gérer le “terrible two” grâce à l’Accompagnement Respectueux des Enfants® ?