Éviter toute forme de violences envers votre enfant vous paraît à la fois indéniable et compliqué ? Passé la première prise de conscience, les V.E.O (ou violences éducatives ordinaires) semblent être partout. Vous remettez en question tous vos faits et gestes ? Vous avez besoin d’une liste des V.E.O pour vous sortir de cette sensation de marcher sur des œufs constamment ?
En tant que professionnelle, j’ai appris que ce genre de listes n’était pas indispensable pour s’extraire des schémas qui mènent aux violences et qu’elles pouvaient même être délétères selon les lunettes qu’on porte en les lisant.
Ces listes peuvent être intéressantes pour mesurer l’ampleur des violences : à quel point elles peuvent exister dans de nombreux comportements quotidiens (d’où leur appellation ; violences « ordinaires », comme le sexisme ordinaire peut-être insidieusement ancré dans les gestes et les propos qui nous semblent les plus anodins). Et en même temps, il me semble important de définir les termes quand on parle d’un sujet (conditionnement de mon travail de thèse doctorale).
Donc, cet article ne vise pas tant à dresser une liste de ce qu’il faut « faire ou ne pas faire », mais de mesurer le phénomène en le décrivant pour mieux déconstruire les pratiques qui relèvent de violences dites éducatives ordinaires.
Ceci étant dit, reprenons les bases :
Sommaire 👉
Qu’est-ce qu’une V.E.O. (violence éducative ordinaire)?
Définition
Selon le Larousse, une violence est “une contrainte, physique ou morale, exercée sur une personne en vue de l’inciter à réaliser un acte déterminé.” La violence exercée sur l’enfant est souvent justifiée par le rôle qu’endosse l’adulte qui veut “bien éduquer”. Au point de nier le caractère violent de certains comportements. C’est là que se situent de nombreuses VEO :
Des pratiques coercitives, punitives ou manipulatrices tolérées, voire recommandées dans une société pour éduquer et contrôler les enfants.
Cette forme de violence est presque invisible, puisqu’elle est considérée comme légitime dans la plupart des pays… En France, c’est en train de changer depuis la loi n°2019 721 du 10 juillet 2019. On peut dire que c’est la partie immergée de l’iceberg des violences ;
C’est le terreau sur lequel prolifèrent les maltraitances qu’une société juge inacceptables.
Le terme VEO fait référence aux travaux d’Olivier Maurel et d’Alice Miller auparavant. Il regroupe donc toutes les violences, d’intensités différentes, qui semblent communément admises, car elles auraient des vertus « éducatives”.
Violences éducatives ordinaires : Conséquences
La liste des conséquences des violences faites aux enfants est dramatique :
Pour rappel, selon le rapport de l’IGAS (2018), en France, un enfant meurt tous les 5 jours sous les coups de ses parents ou de ses proches.1
- Le risque de crise cardiaque chez un nourrisson soumis aux hurlements est avéré.
- Altération du système immunitaire, augmentant le risque de maladie et de cancer selon un rapport de l’OMS2.
- Altération du développement cérébral, à cause des effets sur les connexions neuronales, la neurogenèse, des différentes parties du cerveau (l’amygdale, l’hippocampe et le cortex préfrontal)
- Altération du développement psychoaffectif : baisse de l’estime de soi, de la confiance en soi, dégradation de la nature des liens d’attachement aux autres.
- Sentiment de sécurité mis à mal au point de créer de l’angoisse et de l’anxiété à long terme,
- Risques accrus de maladies cardiovasculaires, d’obésité, de maladies auto-immunes,
- Risques accrus de troubles psychoaffectifs et troubles de la personnalité,
- Altération de la confiance envers les autres, comportements déviants, antisociaux, violents, etc.
- Altération des capacités d’apprentissage et d’acquisition, due au stress vécu de façon trop récurrente.
Cette liste est loin d’être exhaustive.
J’ai créé “Les lunettes de Maja” pour tirer la sonnette d’alarme, favoriser la prise de conscience et plus largement permettre une meilleure considération de l’enfant en veillant à son intégrité physique et psychoaffective.
Les VEO ont toutes un impact sur la construction de notre personne de façon plus ou moins délétère et parfois ces impacts sont irréversibles.
Une façon assez simple de constater les dégâts des violences dites “éducatives”, c’est justement d’observer le comportement d’adultes pensant “ne pas avoir été maltraités” durant leur propre enfance.
Pourquoi les adultes usent-ils de VEO ?
L’un des effets de VEO c’est le retard des connexions entre différentes zones du cerveau. Plus l’individu aura subi des VEO, plus ces connexions auront été retardées, voire empêchées34.
Chez les adultes, les violences viennent :
- Soit d’une stratégie consciente, un choix éducationnel, s’ils considèrent qu’il est nécessaire de s’imposer pour se faire respecter, de faire plier l’enfant à ses exigences, de lui apprendre à obéir, etc.
- Soit d’un automatisme véritablement problématique, non choisi ; des actes qu’ils commettent “malgré eux” et dont ils n’arrivent pas à se défaire en dépit de leur volonté. Et, à votre avis, comment se retrouve-t-on à être agressif malgré nous ?
En manquant de ces fameuses connexions neuronales. Dans le mille.
On pourrait presque dire que “la boucle est bouclée” ; en ayant subi des VEO qui ont altéré nos capacités, on réitère les mêmes défaillances envers nos enfants*. Sauf que.
Personne ne devrait en subir les frais, surtout pas les enfants. Nous sommes humains, mais nous sommes aussi responsables. Si les violences qui se sont inscrites en vous ne sont “pas de votre faute”, elles sont aujourd’hui de votre responsabilité.
* attention : ce n’est pas irrémédiable et il n’y a pas un déterminisme là-dedans : non, tous les parents qui ont subi des violences ne deviennent pas violents, mais ce qui est certain c’est que tous les parents qui usent de violence n’ont pas inventé ce schéma et c’est bien parce qu’ils en ont subi qu’ils les utilisent.
Lister les violences éducatives ordinaires : Bonne ou fausse bonne idée ?
Vous ne considérez pas le rapport de force comme un choix acceptable pour éduquer les enfants, mais vous “craquez” régulièrement et usez de violence malgré vous ? C’est justement pour résoudre ces défaillances de notre pilote automatique que j’ai créé une approche spécifique (qui fait partie intégrante du programme d’accompagnement “Le Cercle des Parents Apaisés”)
De nombreux parents recherchent “LA” liste des VEO. Je préfère qu’on s’attarde à considérer les dommages qu’entraînent ces violences et qu’on utilise notre énergie pour améliorer notre relation aux enfants.
Je sais que travailler à restituer son empathie permet de savoir ce qui relève ou non de la violence dite éducative ordinaire. Mais je conçois qu’en début de cheminement vers un accompagnement respectueux on ressente le besoin de s’informer de cette façon. Nos conditionnements et la pression sociale encore si forte, peuvent paralyser nos prises de recul.
Violences Éducatives Ordinaires ou “Douces Violences” : Quelles différences ?
Il existe diverses formes de VEO :
Se repérer grâce à des listes peut permettre de faire le point.
Mais veillez à ne pas trop vous y attacher, au risque de ne plus avancer vers ce changement que vous voulez incarner parce que nos conditionnements nous enferment souvent dans des postures binaires « faire/ne pas faire » qui nous coupent de notre propre sens critique et de notre capacité à placer le curseur en se connectant à l’enfant
Liste (non exhaustive ) de violences physiques :
- Coups,
- Bousculades, secousses,
- Pincements, morsures,
- Tirages de cheveux, d’oreilles, de joues,
- Laisser pleurer seul,
- Forcer ou empêcher de boire ou de manger,
- Forcer ou empêcher d’aller aux toilettes ou sur le pot,
- Prodiguer des soins sans prévenir (nettoyer le visage, changer la couche, moucher, etc.)
- Conditionner l’enfant à des rythmes sans prendre en compte ses besoins,
- Etc.
Liste (non exhaustive) de violences psychoaffectives :
- Brimades, réprimandes,
- Cris, Menaces
- Humiliations,
- Punitions, isolement,
- Chantages, manipulation,
- Jugements et critiques
- Rejet, indifférence et moqueries,
- Négligences, manque d’écoute ou d’attention,
- Non-respect du consentement ou de l’intimité,
- Retrait d’objet,
- Etc.
Les “Douces violences”
L’expression « douces violences » (largement développée dans les ouvrages de Christine Schuhl) désigne des actes ou des comportements en apparence anodins mais qui peuvent être délétères pour l’enfant et le mettre dans une insécurité affective.
Ce sont :
- des paroles blessantes,
- des gestes maladroits,
- des jugements,
- des a priori,
- etc.
Si certains adultes les pensent inoffensifs et qu’ils les utilisent souvent inconsciemment, c’est qu’ils les ont potentiellement subis eux-mêmes étant enfants et que ces actes ont alors été banalisés dans leur esprit.
Personnellement, je n’adhère ni à cette expression (une violence reste une violence, elle n’est jamais « douce ») ni à la hiérarchisation de ces actes.
Voici quelques exemples les plus fréquents que j’aimerais débanaliser :
- Parler de son enfant à la 3ème personne devant lui, sans l’inclure dans la discussion.
- Utiliser du second degré alors que l’enfant n’est pas capable de le comprendre.
- Parler devant l’enfant dans une langue étrangère (ou épeler des mots) pour qu’il ne comprenne pas et soit exclu de la conversation.
- Appeler votre enfant uniquement par des surnoms ne respectant pas sa véritable identité et soulignant son comportement (monstre, bulldozer, petit diable…).
- Presser l’enfant dans toutes ses activités.
- Faire à sa place, car on le trouve trop lent.
- Utiliser systématiquement la poussette avec un enfant qui demande à marcher.
- Utiliser un parc alors que l’enfant a besoin de se mouvoir (hors cas de danger ou épuisement/handicap qui font baisser le niveau de vigilance/possibilité d’accompagnement).
- Obliger à rester à table pendant le repas.
- Supprimer le dessert si l’enfant ne termine pas ce qu’il a dans son assiette.
- Etc., il en existe tellement.
Comment éviter d’user de VEO ?
Vous avez à présent en main des clés de compréhension pour vous rapprocher d’une posture plus respectueuse de l’enfant :
- En prenant conscience de toutes les violences banalisées (ou pire, érigées comme nécessaires en éducation). On entend encore trop souvent qu’ « une claque n’a jamais tué personne” ou que “les enfants ont besoin de limites”.
- En considérant les effets dévastateurs sur le développement de l’individu et son bien-être, mais également sur les relations entre adultes et enfants.
- En prenant du recul sur les violences considérées comme “plus anodines” pour stimuler votre empathie et évincer ces actes de vos habitudes, au même titre que d’autres sévices
Si c’est votre première visite par ici, je vous invite à récupérer le “Kit Colère” pour vous sortir des situations de crises avec vos enfants,
Notes
- Rapport IGAS “Mission sur les morts violentes d’enfants au sein des familles – Évaluation du fonctionnement des services sociaux, médicaux, éducatifs et judiciaires concourant à la protection de l’enfance” : https://www.vie-publique.fr/sites/default/files/rapport/pdf/194000379.pdf ↩
- https://www.who.int/violence_injury_prevention/violence/world_report/en/chap3fr.pdf ↩
- Valérie La Buissonnière-Ariza, Jean R. Séguin, Marouane Nassim, Michel Boivin, Daniel S. Pine, Franco Lepore, Richard E. Tremblay, Françoise S. Maheu, Chronic harsh parenting and anxiety associations with fear circuitry function in healthy adolescents: A preliminary study, Biological Psychology, Volume 145, 2019, Pages 198-210, ISSN 0301-0511,https://doi.org/10.1016/j.biopsycho.2019.03.019. ↩
- Suffren, S., La Buissonnière-Ariza, V., Tucholka, A., Nassim, M., Séguin, J., Boivin, M., . . . Maheu, F. (2021). Prefrontal cortex and amygdala anatomy in youth with persistent levels of harsh parenting practices and subclinical anxiety symptoms over time during childhood. Development and Psychopathology, 1-12 ↩
Maja Mijailovic – Accompagnante parentalité