Sommaire 👉
“Mon enfant crie, se roule par terre ou disjoncte à la moindre frustration, qu’est-ce que c’est que ce comportement de petit tyran ?!”
Les petits ont bien du mal à supporter les contraintes. Et parfois, cette intolérance perdure à l’aube de l’adolescence.
Comment aider nos enfants et nos jeunes à gérer les frustrations ?
Que faire face aux crises démentielles à chaque interdit ?
C’est ce que nous apprenons à anticiper et à démêler dans cet article, en partant des principes de l’Accompagnement Respectueux de l’Enfant®.
Intolérance à la frustration ; Qu’est-ce qui cause de telles crises ?
On a beaucoup de mal à voir les crises sous un autre angle parce que nous n’avons pas été éduqués ainsi. Mais en réalité, un enfant qui demande ou fait quelque chose est toujours mû par un besoin. Donc lorsqu’on lui refuse ou lui interdit quelque chose, on entrave le remplissage de ce besoin-là.
➜ Bien évidemment, il y a un grand nombre de choses qu’on ne peut pas laisser faire à un enfant, il ne s’agit pas de débattre de cela, mais de prendre conscience que du point de vue de l’enfant, l’interdiction peut être vécue très violemment.
Parce qu’un tout-petit ne comprend pas nos raisonnements d’adulte, tout ce qu’il voit lui, c’est qu’on ne s’occupe pas de son besoin. C’est cet empêchement à réaliser ce qu’il est poussé naturellement à faire qui peut provoquer des réactions très virulentes comme hurler, se taper la tête, nous pousser, jeter des objets, etc.
- La première clé pour diminuer les crises de frustration c’est donc ce changement de lunettes ; mettez-vous à la place de l’enfant.
- En comprenant avec empathie la douleur qu’il ressent lorsqu’on entrave la réalisation de ses actions, on a plus facilement accès à nos capacités d’analyse et de prise de recul.
- On peut alors différencier l’action/la demande de l’enfant, sa “stratégie” et le besoin qu’il y a derrière ce comportement.
- Si la stratégie n’est pas acceptable/ problématique, le besoin lui reste toujours légitime.
➜ Notre rôle d’adulte accompagnant un enfant est justement de prendre en charge ses besoins aussi longtemps qu’il n’est pas autonome pour s’en occuper.
Pour éviter la frustration, il est préférable de focaliser notre attention sur le besoin à remplir et les stratégies convenables plutôt que d’insister sur l’interdit. Lorsqu’on fait cela, on nourrit notre relation avec l’enfant puisqu’il comprend qu’il a en face de lui quelqu’un qui est à son écoute, qui veut s’occuper de sa peine et qui cherche une façon acceptable de le combler. Il sera ainsi plus enclin à accepter l’alternative qu’on lui propose, que si l’on déblatère sur le pourquoi du comment on ne peut pas le laisser faire telle ou telle chose, sans se préoccuper du besoin sous-jacent.
Mon enfant ne supporte pas la frustration ; Quelles conséquences sur son développement ?
Et si personne n’était fait pour supporter la frustration ?
Aujourd’hui on perçoit l’intolérance à la frustration comme une incompétence, un défaut. Il est évident qu’en tant que parents qui souhaitons le meilleur pour nos enfants, nous pouvons craindre que nos petits n’apprennent jamais à encaisser les frustrations avec plus d’aplomb. Et même si à 6 ans, 8 ans, 10 ans, voire à l’adolescence, très peu d’évolutions se font sentir, il est tout de même rare de voir des adultes se rouler par terre en hurlant lorsqu’on leur refuse l’accès à ce qu’ils désirent.
➜ Tout individu finit par arriver à gérer la frustration de façon à peu près convenable socialement, pour autant, elle peut rester douloureuse et entraîner des conséquences.
Pourquoi ?
Parce que la frustration est toxique. À l’inverse de la colère, qui est une émotion aussi saine que les autres et une véritable alliée nous aidant à identifier des manques, la frustration, elle, découle de besoins non remplis que la colère n’a pas permis de satisfaire.
C’est en quelque sorte une grosse charge qu’on s’efforce de tasser.
➜ Puisque la colère a une connotation négative et que notre société érige l’obéissance comme qualité en éducation, la plupart des individus apprennent à refouler leurs colères et finissent frustrés.
De plus, les théories psychanalytiques prônent depuis des décennies l’importance de contenir la soi-disant volonté de “toute-puissance” des enfants. L’idée de faire vivre intentionnellement des frustrations aux enfants pour les empêcher de devenir des “petits rois” est encore très répandue.
Or c’est justement la frustration qui agit comme un véritable poison émotionnel et conduit à des comportements toxiques.
➜ Il est contre-productif de vouloir apprendre à supporter la frustration puisque c’est par définition un état émotionnel délétère.
À l’inverse, on peut apprendre à exprimer nos colères sainement et à remplir nos besoins : accompagnons donc nos enfants à acquérir ces autonomies-là.
Gestion de la frustration : Comment aider mon enfant / mon ado à la surmonter ?
Dans la frustration, il y a par définition une notion d’opposition à la volonté/ au désir de l’individu.
Les enfants savent composer avec les empêchements naturels (lois physiques par exemple), mais ne comprennent pas qu’un adulte s’oppose à leurs besoins.
➜ Sauf une incapacité temporaire pour nous de le faire, il n’y a aucune raison de ne pas aider un enfant à remplir un besoin.
Cela ne veut pas dire que toutes les stratégies sont bonnes, mais quand on propose une stratégie alternative à l’enfant ou l’ado qui satisfait cette même finalité, il n’a aucune raison de rester en colère. Sauf si l’on considère systématiquement que ses stratégies sont mauvaises et qu’on veut continuellement contrôler ses faits et gestes. Dans ce cas, on entravera d’autres aspirations comme les besoins de liberté, de réalisation, d’autonomie, etc.
Intolérance à la frustration ; Comment apprendre à mon enfant à la supporter ?
Beaucoup d’adultes placent les interdits ou sa variante “les limites nécessaires” au centre de l’éducation. La plupart des questions en parentalité tournent autour de “Comment faire en sorte que l’enfant arrête de faire telle ou telle chose / comprenne / écoute / coopère / etc.”. Ces démarches sont construites autour des attentes et des peurs des adultes.
➜ Si à l’inverse on change de paradigme éducatif et qu’on cherche à se placer dans une posture d’accompagnant qui respecte l’enfant en toute équité, on questionne la notion d’interdit.
- En adoptant des attentes réalistes corrélées aux capacités de l’enfant, les interdits continuent d’exister bien sûr, mais ils ne servent qu’à protéger l’enfant lui-même ou l’empêcher de nuire à autrui.
- La nécessité d’apprendre la frustration par la mise en place de cadre et de limites qui n’existent que dans ce but “éducatif” devient alors inepte.
De plus, il est très facile d’interdire : quand le verbal ne suffit pas, l’adulte peut faire usage de sa force pour empêcher l’enfant d’agir. Mais cela doit évidemment rester une exception puisque cela n’apprend en rien à l’enfant à faire autrement.
Prenons pour exemple 2 enfants qui jouent avec des bâtons ; le jeu dégénère et il y a risque de blessure.
- Si l’interdit est la règle, on interdit a priori aux enfants de jouer aux bâtons.
- Alors que si l’interdit est l’exception, on rappelle les risques et les règles associés, on anticipe ce qui doit l’être pour préserver la sécurité et l’on ne stoppe le jeu que s’il devient dangereux ou si l’on n’est plus en mesure d’assurer la sécurité momentanément.
➜ C’est aussi ça la parentalité réaliste : se laisser la marge pour adopter une posture selon notre niveau de ressource, sans être dans l’application “à la lettre” de principes théoriques.
Apprentissage de la frustration ; Pourquoi est-ce une fausse bonne idée ?
L’idée d’apprendre aux enfants à supporter la frustration est le pendant de l’apprentissage de l’obéissance, qui est une violence par définition.
L’obéissance est une stratégie choisie par de nombreux adultes pour satisfaire leurs envies ou plutôt, les faire advenir par les enfants.
➜ Elle induit un rapport de force et repose sur la peur, la soumission et la résignation.
Il peut suffire d’être une seule fois dans le rapport de force pour que les fois suivantes, l’enfant obéisse à une simple demande. Pourtant, de nombreuses études ont démontré l’élan spontané qu’a l’enfant dès tout-petit à coopérer autant de fois qu’il le peut lorsqu’on lui demande, voire même à proposer de lui-même son aide.
Bien sûr, il est plus “facile” d’imposer et d’exiger avec autorité que de chercher à comprendre pourquoi l’enfant ne peut pas coopérer. Et les adultes qui n’ont eux-mêmes jamais appris à remplir leurs propres besoins et ont toujours été dépendants et soumis reproduisent les mêmes schémas de domination.
Ils ne réalisent pas qu’attendre d’un enfant qu’il comble leurs désirs est une violence, une inversion des rôles appelée parentification en psychologie, puisque ce sont les adultes qui sont responsables du remplissage des besoins des enfants et non l’inverse.
➜ Lorsqu’on reprend nos responsabilités et nos capacités en main, qu’on cherche des alternatives saines plutôt que des manipulations sournoises pour chercher à “faire coopérer” coûte que coûte les enfants, les frustrations s’amenuisent, pour les parents comme pour les enfants.
Diminuer les crises de frustration et aider mon enfant à gérer celles-ci ; récap’ en 4 points clés
- C’est l’entrave aux élans spontanés et naturels des individus qui crée la frustration. Dans le cas des relations adultes/enfants, il est primordial de comprendre qu’un comportement (même “non acceptable”) a toujours pour objectif de remplir un besoin.
- Si les crises de colère sont tout à fait normales et saines, et qu’avec un accompagnement respectueux l’enfant apprend à exprimer ses émotions sans nuire, la frustration elle est véritablement toxique et peut mener à la dépression. Il n’y a aucun argument tangible à s’entraîner à la supporter alors qu’elle peut être évitée dans la plupart des cas.
- L’autonomie de l’enfant s’acquiert par étapes et même un ado requiert encore ponctuellement notre accompagnement pour combler ses aspirations par des stratégies acceptables.
- Les enfants font toujours de leur mieux et sont tout à fait enclins à sortir de la frustration dès lors qu’on les aide à combler leurs besoins par des alternatives.
Maja Mijailovic – Accompagnante parentalité
Lire aussi :