Bonjour
Un deuxième dîner nocturne, comme pour mon fils, ou les plus traditionnels “encore un pipi !”, “encore un bisou !”, “encore à boire !” : qui n’a pas reçu ce genre de sollicitations le soir au coucher? Ou en journée lors de la sieste ?
Que l’on soit ou pas en cododo (sommeil partagé avec l’enfant), il arrive un moment où on est sollicités +++.
Il y a alors deux cas de figures distincts :
- Soit le coucher est imposé à l’enfant, selon un horaire
- Soit le coucher est proposé à l’enfant du fait de ses signaux de sommeils
Dans le premier cas, il y a donc une forte probabilité qu’on soit dans la situation que j’ ai expliquée lors d’un précédent numéro (si vous ne l’avez pas lu c’est par ici) : l’enfant n’est pas écouté au niveau de ses besoins et c’est une façon qu’il a de le signaler. Il lutte contre le sommeil imposé tout simplement.
La “solution” consiste donc à respecter son cycle biologique.
Si le besoin de sommeil est respecté, c’est alors deux sous cas qui peuvent se produire :
- l’enfant lutte contre son sommeil en donnant la priorité à un autre de ses besoins non rempli
- l’enfant est en train de vivre un changement de rythme circadien.
Dans le cas de la lutte pour signaler ou tenter de répondre à un besoin, la clef de l’apaisement réside dans le fait d’identifier ce besoin et d’y répondre.
La plupart des adultes ne le font pas car ils ont décidé que le sommeil était plus important, or l’enfant utilise beaucoup d’énergie pour montrer que sa hiérarchie des besoins à lui est différente.
Comme je l’ai déjà dit : aucun enfant ne se laisse mourir d’épuisement ou ne compromet sa santé et son développement en luttant contre le sommeil. S’il le fait, c’est dans des situations traumatiques et qu’il y a donc des besoins plus vitaux qui ne sont pas remplis, conclusion : dans tous les cas il vaut mieux s’y pencher.
Les besoins les plus courants que les enfants cherchent à remplir au moment de dormir :
- Se rassurer/sentir en sécurité
- Créer du lien
- Jouer
Voyons en détail chacun de ces besoins.
1/ se rassurer sentir en sécurité.
Il y a beaucoup de choses qui peuvent créer un sentiment d’insécurité au moment de dormir : l’obscurité, des formes inquiétantes, des bruits inconnus, des changements dans le quotidien qui créent des angoisses et sont ressenties la nuit …
La présence de l’adulte, figure d’attachement, pour l’endormissement et même la nuit est ce qui rassure. Dormir en tribu avec ses semblables pour éviter de mourir dévoré par des prédateurs la nuit est inscrit dans notre cerveau reptilien depuis des millénaires et ce ne sont pas quelques décennies de psychanalyse qui ont poussé les enfants hors du lit familial qui vont changer notre programme interne.
Les enfants se rassurent naturellement avec notre présence dans leur sommeil : cela est inscrit dans notre biologie.
Cependant, cela ne règle pas tout. Pour ceux qui pratiquent le cododo : selon la configuration de mise au lit ce besoin de sécurité peu quand même exister.
C’est ce qui s’est passé avec mon fils, quand il avait environ 4 ans, et qu’il se mettait à se lever pour demander qu’on lui prépare des encas nocturnes ou repousser le coucher avec ces mêmes encas : certains pourraient appeler ces épisodes un vrai “cirque”.
Bien qu’il avait accès à des aliments et encas tout prêts et qu’il n’y avait pas de restrictions alimentaires autres que celles qui impliquait qu’on prépare un autre repas, mon fils demandait précisément ce qui impliquait une préparation de notre part et mettait beaucoup de temps à hésiter sur le choix de son encas: “on a quoi à manger ?” “je veux ça ! euuuuh non ça …” etc.
Avec mon mari nos nerfs étaient mis à rude épreuve car nous étions fatigués +++ et quand il se levait, notre fils réveillait mon mari qui avait un autre rythme de sommeil et qui dormait au salon.
Pour ma part je pouvais facilement rattraper la privation de sommeil le lendemain j’avais donc plus de patience à accompagner ces demandes, pour mon mari qui travaillait en dehors de la maison c’était impossible et sa patience à lui … comment dire … elle a été vite épuisée !
Ça devenait critique pour nous d’identifier ce besoin non rempli pour notre fils.
La façon dont notre fils avait l’air de vouloir grappiller du temps avec nous, nous faisait penser qu’on ne passait pas assez de temps avec lui. C’était notre première piste.
Rapidement nous avons compris que c’était autre chose. Lors d’un épisode de réveil agité en début de nuit qui s’est terminé par une partie de cartes au salon (je vous la fait court) avec notre fils nous prenant dans ses bras en nous disant “maintenant je suis rassuré” il nous a paru évident que c’était un besoin de rassurance qu’il avait et en discutant avec lui cela s’est confirmé : il avait peur de “fantômes”.
Pourtant lui et moi étions en cododo.
Notre mode du coucher était simple, nous nous couchions en même temps, puis lui une fois endormi, soit je dormais avec lui, soit j’allais vaquer à mes occupations. Si moi j’avais sommeil avant mon fils, ce qui était très fréquent à cette époque, il pouvait jouer au calme dans la chambre de jeux mais à cette période il refusait cette invitation. Normal, c’était lié à cette peur.
D’ailleurs il avait à plusieurs reprises demandé à ce qu’on laisse une lumière dans le couloir, c’était aussi lié à cette peur et je n’avais pas relevé ce point, ni fait le lien d’ailleurs.
Au final nous avions trouvé comme solution qu’il joue au calme dans le lit pendant que je bouquine parce que ce qu’il craignait c’était de se laisser aller au sommeil en n’étant pas assez sécurisé.
Ce qui se passe quand l’enfant ressent cette sécurité régulièrement, c’est qu’il se laisse aller au sommeil, il ne lutte plus.
Il y a plusieurs choses qui peuvent créer cette insécurité (ce n’est pas systématique certains enfants s’y habituent mais certains en ressentent une insécurité) : quand on déplace l’enfant pendant son sommeil en le laissant seul (il s’endort au salon puis se retrouve dans un lit seul), quand il est accompagné à l’endormissement puis se réveille seul.
Le fait de changer de configuration entre le coucher et le réveil quand ce n’est pas de notre initiative est déroutant. Imaginez un instant : vous vous endormez dans le canapé et le lendemain matin vous êtes dans votre lit sans que vous ne vous soyez levés, votre cerveau va bugguer et quand le cerveau immature il ne va pas se faire un scénario logique pour expliquer ce changement. Si cela arrive fréquemment il y a une forte probabilité que ca créé cette insécurité. Mais attention j’ai déjà vu cet argument à mauvais escient : cela ne veut pas dire que pour autant il faille anticiper en imposant forçant le coucher à l’endroit qui nous arrange.
J’ai longtemps vu des conseils prônés en ce sens : “surtout couchez bien votre enfant dans son lit car s’il s’endort dans le votre et que vous le déplacez pendant la nuit ça va le perturber”. Non … ce qui va le perturber c’est de le forcer et d’ignorer son besoin plus qu’un déplacement nocturne occasionnelle …
Ce côté insécurisant pour l’enfant qu’on déplace je l’avais remarqué pour ma fille qui s’endormait sur moi en portage pour les siestes puis que je posais au lit. Après quelques semaines de cette pratique elle a commencé à lutter contre le sommeil.
Consciente du problème, j’ai changé ma façon de l’accompagner en m’allongeant près d’elle et elle s’est apaisée. Les luttes m’avaient épuisées donc dormir avec elle m’a aidé à récupérer le sommeil.
Si vous ne pratiquez pas le cododo, après avoir vérifié qu’il ne s’agit pas d’un autre besoin (créer du lien ou manque de jeux) dans 99% des cas on en revient au besoin 1/ la sécurité et ce qui aide à 100% pour y répondre c’ est le cododo et ce à n’ importe quel âge.
De manière générale le cododo répond également au deuxième point créer du lien donc c’est la solution évidente.
Pour “preuve” j’aime citer cet extrait du livre Continuum de Jean Liedloff :
“Une maman prénommée Anthéa m’a écrit qu’en lisant mon livre, elle avait réalisé qu’elle aurait dû faire confiance à son instinct au lieu d’écouter les “experts” en la matière, car elle avait aujourd’hui un petit garçon de quatre ans appelé Trévor à qui elle avait fait subir “toutes les mauvaises choses”. Elle attendait un autre bébé qui sans aucun doute allait être un “bébé continuum” (note de la traductrice : bébé élevée dans le respect du continuum) dès le départ. Mais que faire pour Trévor ?
Non seulement il est difficile de porter un enfant de quatre ans pour compenser la phase ‘dans les bras” (période entre la naissance et l’exploration à quatre pattes, durant laquelle le bébé est constamment porté) qu’il n’a pas connue, mais de plus, il est important pour lui qu’il joue, explore et apprenne, à l’instar des enfants de son âge. J’ai proposé à Anthéa et à Brian de dormir avec Trévor, sans modifier leurs habitudes diurnes. A une exception près : qu’ils laissent venir Trévor sur leurs genoux et qu’ils soient disponibles physiquement autant que possible. Je leur ai également demandé de dresser un bilan quotidien car je pensais que leur expérience pourrait servir à d’autres.
Anthéa a soigneusement décrit l’évolution de son petit garçon. Pendant les premières nuits, aucun d’eux ne dormit beaucoup : Trévor remuait et gémissait sans cesse ; de nombreux coups de coude et de pied se perdaient; il réclamait des verres d’eau à des heures impossibles. Une nuit, il se retrouva même perpendiculairement à ses parents, les obligeants à se cramponner aux bords du matelas. Plus d’une fois, Brian dut se rendre à son travail les yeux cernés et de mauvaise humeur. Mais ils ont persévéré, alors que bien d’autres auraient abandonné après quelques nuits d’essai, vaincus par le sommeil.
Après trois mois, Anthéa ne mentionne plus aucun problème : ils dorment paisiblement tous les trois. Non seulement la relation avec Trévor s’est améliorée mais également celle entre Biran et Anthéa. A la fin de son compte-rendu, celle-ci ajoute, mentionnant le sujet pour la première fois : “Trévor a cessé d’être agressif à l’école!”.
Quelques mois plus tard, Trévor retourna de lui-même dans son propre lit, son manque comblé. Bien entendu, sa nouvelle petite soeur dort dans le lit de ses parents mais Trévor sait qu’il y est toujours le bienvenu.
Il est rassurant de constater que la plupart des dégâts causés en quatre ans peuvent être réparés en seulement trois mois. Je fus donc très motivée par cette expérience qui me permit d’illustrer ma théorie lors de mes conférences ou dans mes lettres aux parents me confiant leur désarroi.”
Je vois déjà des yeux écarquillés à la lecture de ces lignes et je tiens à préciser que répondre à ce besoin de sécurité ne veut pas dire faire du cododo le reste de sa vie. Déjà je souhaite rassurer certain.e.s l’ enfant sait réclamer quand il a besoin de dormir seul.
Quand on ne pratique pas le cododo, utiliser cette pratique pour répondre au besoin de rassurance se fait sur une “courte période” en général. Et aucun enfant ne prend une “mauvaise habitude” à être rassuré. La mauvaise habitude consiste plutôt à se résigner à ne pas être rassuré …
Après tout nous adultes aimons dormir avec nos conjoint.e non ? Voir avec nos animaux de compagnie ? Alors pourquoi ne concédons nous pas aux enfants ce besoin ?
Le problème de cette pratique est qu’elle est rattachée à beaucoup de croyances et de fantasmes. Notre héritage psychanalytique y est pour beaucoup et la formations des professionnels très ancrée dans cet héritage enfonce le clou. De nombreux parents se sentent mal de pratiquer spontanément le cododo et d’autres en viennent à mentir pour qu’on leur fiche la paix à ce sujet …
Le sommeil solitaire est un mythe voire un mensonge social. Vous trouverez ici l’article de Mitsoko Miller sur le sujet.
Nous verrons dans le prochain numéro les 2 autres besoins qui font que les enfants luttent contre le sommeil et également le cas du changement de rythme circadien.
A très vite,