La vérité des études sur les écrans

Bonjour,

On en entend souvent parler, et les sorties d’articles, voire de livres ne manquent pas sur le sujet : le danger des écrans à l’épreuve des études scientifiques.

Dans les précédents numéros du dossier thématique sur les écrans je traitais de la question de l’addiction, et dans ce numéro j’aimerai creuser sur les autres dangers présupposés “prouvés” par ces études qu’on évoque ici ou là, ou plutôt qu’on invoque …

La vérité c’est qu’aucune de ces études (que peu de gens lisent au final, et s’ils les lisaient ils comprendraient vite le problème) ne met en évidence de liens de causalité entre l’usage des écrans et les effets étudiés. 

Je ne prendrais même pas la peine de distinguer ces différents effets et je vais les traiter ici comme la grosse masse qu’ils représentent lorsqu’ils sont mentionnés dans les médias (pour rappel ces effets sont : troubles ou retards du développement, des apprentissages, de la personnalité et j’en passe).

Déjà le mot « écrans » veut tout et rien dire on ne peut pas parler “d’études sur les écrans” de façon indifférenciée sans déjà être dans de la désinformation. 

On est très loin de l’époque du tube cathodique où les écrans ne représentaient que la TV et la TV elle même n’est plus du tout ce qu’elle était. Les études qui parlent de temps d’écrans ou “screen time” sans définir de quels écrans on parle ne sont pas très sérieuse en soi. 

Parce qu’en science il est plus qu’important de définir l’objet de recherche.

Ensuite, concernant cette relation de causalité manquante : les gens confondent corrélation et causalité et les médias, et même parfois les auteurs desdites études, jouent sur cette confusion pour extrapoler la preuve de leurs résultats pour en faire une vérité pour le grand public qui relaie aveuglement l’affirmation. 

J’ai même vue une conclusion d’étude qui faisait carrément des recommandations d’usages : ce n’est pas le rôle des chercheurs que d’émettre des recommandations, leurs conclusions doivent être objectives et montrer les pistes d’amélioration/approfondissement de leur travaux, POINT ! 

D’ailleurs tout article d’études scientifique se terminent sur ce genre de conclusions parce que la démarche scientifique n’a pas pour but de démontrer ou réfuter complètement une ou des hypothèses mais de tendre vers ces hypothèses (en leur faveur ou défaveur selon les matériaux collectés). 

C’est le rôle d’autres instances que d’utiliser ces travaux pour alimenter des recommandations, des politiques de santé publique etc. Et je reviendrais sur le sujet des recommandations plus tard. 

Alors quelle est la différence entre relation de causalité et corrélation ?

Une relation de corrélation montre qu’il y a une association entre deux faits, deux états, un fait un état etc. qui peuvent se produire en même temps (concomitance) ou bien à la suite, exemple : à chaque fois que des hommes se réveillent au matin avec des chaussures aux pieds ils ont mal à la tête. 

C’est systématique dans 100% des cas des hommes qui ont dormi avec leurs chaussures on constate ce lien, il s’agit d’une forte corrélation.

Quelqu’un dira : « mais c’est bien sûr dormir avec les chaussures aux pieds ça donne la migraine, moi même je l’ai vécu et ce lien est vérifié dans des études très sérieuses menée sur des échantillons de milliers de personnes qui se sont réveillés avec une migraine alors qu’ils dormaient avec leurs chaussures ! »

Cette personne en disant cela affirme une causalité en partant d’une simple corrélation…  Elle extrapole. Elle peut supposer cela mais pas l’affirmer tant que ça n’a pas été étudié. 

Si aucun autre paramètre n’est étudié les gens vont donc rester avec ce genre de conclusions avec une causalité inventée. 

Elle n’est pas prouvée.

Mais en étudiant le sujet de mon exemple de plus près on s’apercevra qu’il y avait un autre point commun dans cette population d’hommes qui s’endorment les chaussures aux pieds : ils étaient tous bourrés la veille !

Ce paramètre change tout puisqu’il permet alors d’établir que c’est plutôt l’état d’ébriété qui pousse ces hommes à dormir les chaussures au pieds et qui leur donne en même temps la migraine.

Causalité n’est pas correlation ! 

Il faut s’en souvenir quand on invoque ces études et si vous avez la flemme de les lire en entier vous trouverez facilement l’indice de ce lien dans le titre et l’abstract des articles cités (laplupart sont en anglais) : ASSOCIATES ou ASSOCIATION mais jamais de CAUSES.

Je dis jamais parce que j’en ai jamais vu, je les lis toutes à chaque fois qu’elles me sont présentées, et à l’époque où je préparais ma thèse de doctorat j’avais accès aux bases de données des revues scientifiques avec l’ensemble des articles (c’était il y a moins de 2 ans). J’attends donc avec curiosité l’étude qui mettra en évidence une telle corrélation. Et je mets toujours au défi une personne qui m’affirme en avoir lu plein de m’en citer au moins une …  On passe de plein à 0.

La vérité est là : ces études ne prouvent rien et je suis sûre que si on étudiait mieux les paramètres de l’environnement dans lequel évoluent les enfants étudiés on retrouverait chez eux des carences affectives, des veo etc. 

Et en attendant si jamais une telle étude venait à paraître il faudrait déjà qu’il y en ai plusieurs qu’elles soient soumis à la validation  par les pairs qu’il y ai des meta analyses sur le sujet bref tout un processus pour arriver à un consensus scientifique si est le plus fort niveau de preuve mais pas non plus LA vérité… 

Je pense que d’ici que ce genre d’études voient le jour , les adultes ont plutôt intérêt à composer avec la présence des écrans qui ne sont pas prêts de disparaître de la vie des enfants et que leur usage doit être accompagné pour que les enfants apprennent à les utiliser en autonomie et en sécurité pour tout ceux qui auraient peur d’un danger éventuel. 

On parlera dans la suite du dossier des fameuses recommandations et leurs valeurs.

A très vite !



Pour ceux et celles qui aiment les études voici une liste* d’études qui mettent en avant les faibles corrélations ou contredisent celles plus largement reprises par les médias : 

*cette liste a été partagée sur le compte Twitter de Séverine Erhel, maîtres de conférences en psychologie cognitive, je vous partage également ses remarques en introduction 


« Quand on regarde les dernières études/meta-analyses plus rigoureuses, on n’observe que des liens très faibles :  l’usage des écrans explique pour 0,4 % la dépression soit autant que le fait de manger des pommes de terre : « 


https://www.nature.com/articles/s41562-018-0506-1


« @CJFerguson1111  et al. observent que les enfants qui font abstinence des écrans ont de plus faibles compétences langagières en comparaison de ceux qui sont exposés : 

https://www.ncbi.nlm.nih.gov/m/pubmed/23855259/

Liens très faibles des écrans avec bien-être des adolescents,

https://www.ncbi.nlm.nih.gov/m/pubmed/30939250/

et pas de lien entre réseaux sociaux et dépression – anxiété : 

https://www.sciencedirect.com/science/article/pii/S0747563219303723


certains logiciels améliorent l’apprentissage :

https://www.cairn.info/revue-bulletin-de-psychologie-2019-5-page-401.htm


Et un article de Franck Ramus qui discute des affirmations sur le déclin du QI des français que beaucoup associent au numérique : 

http://www.scilogs.fr/ramus-meninges/demain-tous-cretins-ou-pas/