“Attention, je vais me fâcher !”,
“Je compte jusqu’à 3…”
“Ça suffit maintenant, je vais vraiment m’énerver !!!”
Une maman désemparée m’a demandé comment sortir de ces menaces qu’elle fait souvent à ses enfants. Car oui, “prévenir” ses enfants qu’on est sur le point de péter les plombs dans le but de leur faire changer de comportement sans quoi ils subiraient les conséquences de notre colère, c’est une menace et c’est violent pour l’enfant.
De toute façon, ce chantage n’a plus aucun sens si vous tendez vers une éducation sans punition. Puisqu’il se passera quoi, quand vous aurez compté jusqu’à 3… ?
Cesser de faire du chantage avec nos enfants : pourquoi et comment ?
Vous le savez si vous me suivez depuis un moment déjà : le prérequis à toute démarche de changement en parentalité, c’est la prise de conscience.
Si vous en avez marre de vous entendre en train de faire du chantage à vos enfants, poussez la réflexion plus loin quelques instants :
- Pourquoi voulez-vous en finir avec ce mode de communication ?
- Quelles conséquences exactes cela a ?
- Qu’est-ce que vous vivrez de plus, de mieux, lorsque vous ne laisserez plus planer de sentences pour faire obéir vos enfants ?
Disclaimer : l’autoflagellation est votre pire ennemie, ne la laissez pas vous enliser et pomper toute votre énergie.
Pensez à vous appuyer sur l’Atelier offert “Je transforme ma culpabilité en force motrice”, si ce n’est pas déjà fait.
Quels résultats obtient-on lorsqu’on met la pression à un enfant ?
Quand on regarde les situations de menaces entre un adulte et un enfant, on constate plusieurs problématiques :
La pression apprend à votre enfant exactement l’inverse de ce que vous souhaitez
Perte de confiance et soumission
Lorsqu’on intimide un enfant (même sans hausser la voix), on le pousse dans ses retranchements. Son état de stress est souvent probant : rictus, bégaiements, rire nerveux, sourcils froncés, pleurs, sidération…
➜ Tout ce qu’il en retient, c’est qu’on lui fait peur. Quand cela se répète, l’enfant va constater qu’on peut sciemment se comporter de manière à provoquer des émotions désagréables chez autrui.
Éternel recommencement
Dans ces conditions, aucun apprentissage ne peut se faire. Au mieux, l’enfant va opter pour des stratégies d’évitement, au pire la sidération va le pousser à obéir et se soumettre par crainte. Dans tous les cas, il n’aura rien retenu sur ce qu’il aurait dû faire (ou ne pas faire) et pourquoi. C’est dommage, car lorsqu’on observe ces situations avec du recul, on constate souvent que ça aurait pu être une occasion idéale pour l’enfant d’apprendre par l’expérience.
➜ Peu de chances donc pour qu’il se “comporte mieux” la fois suivante s’il n’a pas appris entre temps comment remplir son besoin de façon plus acceptable.
Enfant manipulable ou enfant tyran
Aussi, lorsqu’on menace un individu, celui-ci peut réagir de 2 manières : soit il se soumet (alors demandez-vous si c’est vraiment ce que vous souhaitez enseigner à votre enfant), soit il riposte et un conflit éclate.
➜ Le vice, c’est que de nombreux adultes vont grimper dans l’échelle de la violence, être toujours plus menaçants, puisque l’enfant va développer une sorte de résistance au stress, ou se mettre à faire front plutôt que de plier.
Les avertissements empêchent les enfants d’apprivoiser leurs émotions
“Je te préviens, je vais me fâcher là !”
Quand on avertit un enfant de notre état émotionnel, on lui apprend 2 hérésies
- La colère est un sentiment négatif, dangereux, qui risque de blesser l’autre.
- Notre état émotionnel est contrôlable par autrui, en fonction de leurs attitudes, par exemple.
Bien qu’elles soient ancrées solidement en beaucoup d’entre nous, ces croyances nuisent aux relations humaines. Lorsqu’on se propose d’avancer sur un autre chemin d’éducation, on a généralement à cœur que nos enfants puissent apprendre à se connaître et à s’estimer d’une meilleure façon.
La colère est une émotion et comme toutes les autres, elle est neutre et inoffensive. Ressentir de la colère est légitime et utile, il n’y a pas lieu de la fuir ou de tout faire pour l’éviter.
En revanche, il est évidemment indispensable d’apprendre à l’exprimer sans blesser personne.
➜ Plus on exprime nos émotions de façon saine et plus les enfants apprennent à accueillir les leurs avec facilité.
Nos enfants n’ont pas à porter la responsabilité de notre état. Les plus jeunes font toujours de mieux qu’ils peuvent avec leurs capacités ; les tenir coupables de nos états d’âme est injuste.
➜ Même si ce qui a déclenché notre émotion c’est le comportement de l’enfant, se désolidariser de lui en lui jetant la faute n’aidera en rien à vous calmer, à alléger votre charge dans l’instant et à trouver une solution pour sortir de ce conflit.
Éduquer sans menaces : attention au sacrifice
Il semble être au menu de toute bonne recette de parentalité bienveillante et pourtant, nul besoin d’épiloguer au sujet des séquelles du sacrifice permanent. En revanche, attention à ce qu’on met derrière ce mot justement.
Il y a souvent dans nos mœurs, l’idée qu’on sacrifie nos besoins en s’occupant de nos enfants. Or, il est important de se rappeler à qui revient la responsabilité.
➜ Lorsque nous prenons soin de petits humains dépendants, c’est par définition à nous que revient la charge de leurs besoins.
Autres préjugés relayés par la société ; nous avons tendance à croire que les enfants nous doivent écoute, voire obéissance, donc nous nous reposons sur ces seules possibilités pour nous occuper de nos propres besoins.
➜ Sauf qu’attendre de petits humains dépendants qu’ils nous aident à remplir nos propres besoins, ça revient à inverser les rôles. Et tant qu’on garde cette vision de l’enfant qui doit contribuer à notre bien être, on va faire face à de grandes frustrations et rentrer malgré nous dans des rapports de force.
Pour éviter de tomber dans le conflit des besoins :
- Prendre en compte que, non seulement l’enfant ne nous doit rien, mais qu’en plus il n’est pas en capacité d’en faire davantage (les petits coopèrent toujours volontiers s’ils en ont les moyens dans l’instant).
- Garder à l’esprit que l’enfant a déjà du mal avec ses propres besoins, qu’il dépend de l’adulte pour les combler et qu’il n’a aucune responsabilité dans la relation.
- S’informer notamment sur le développement de l’enfant pour dédramatiser lorsqu’on se sent dépassé. Par exemple, on ne peut voir des situations de crises sous un autre angle que lorsqu’on a pris connaissance de l’immédiateté des besoins. (cf. publication Instagram ci-dessous)
Éviter le chantage : les étapes pour en finir
Si vous en êtes à explorer différentes solutions pour arrêter de passer par la case chantage régulièrement, si vous lisez encore attentivement cet article, vous êtes probablement déjà bien avancé(e) dans votre cheminement de parentalité respectueuse.
Mais, malgré votre volonté et toutes vos bonnes intentions, vous vous retrouvez face à une sorte d’incapacité à exprimer certaines de vos émotions/demandes de façon non violente.
Comment sortir définitivement de l’escalade d’avertissements à chaque fois qu’on se sent coincé(e) ?
La 1ère étape vers l’abolition du chantage, c’est cette prise de conscience justement.
- Vous avez intégré que ces avertissements constituent des agressions non souhaitables.
- Vous connaissez leurs impacts, leurs effets délétères.
La 2ème étape, c’est la volonté de tendre vers un changement.
- Vous vous demandez comment faire autrement, vous cherchez des alternatives pour éviter ces violences.
- Vous vous dites que vous faites usage d’automatismes qui ne vous conviennent pas, après lesquels vous culpabilisez et sentez le besoin de réparer auprès de votre enfant.
- Attention, si à ce stade vous vous dites “Mais non, je ne suis quand même pas dans l’excès/ ce n’est pas si violent/ il y a pire…/ etc.”, alors accueillez cela et continuez à vous informer de manière éclairée afin d’augmenter les “déclics” (ça tombe bien, vous trouverez sur ce blog de nombreuses ressources pour cela). Sans cela, vous risquez de vous épuiser à faire du sur-place ; c’est ce qu’il se passe fréquemment quand des parents tentent de fausses bonnes astuces qui ne changent en réalité que la forme – la façon de faire, mais pas le fond – la vision, l’intention.
3ème étape, la clé de la métamorphose, c’est la répétition de nouveaux schémas.
- Vous parvenez à accueillir vos émotions sans les laisser vous déborder, vous les exprimer de façon respectueuse à vos enfants.
- Vous modifiez vos postures pour en intégrer de nouvelles (non violentes bien sûr).
- Vous savez concilier les besoins de chacun sans en sacrifier ni vous épuiser à courir dans tous les sens.
- C’est d’ailleurs tout l’objet de mon accompagnement dans le Cercle des Parents Apaisés : j’aide les parents qui veulent changer de posture à mettre la main sur les causes de leurs comportements et à changer ce “pilote automatique” pour sortir définitivement des schémas de violence.
Comment anticiper nos réactions automatiques pour éviter d’en arriver aux menaces ?
Remplacer le chantage, alternatives dans l’urgence
En attendant, comment faire pour déjouer un maximum de menaces qui vous viennent en mode automatique, dès aujourd’hui ?
- Respecter son enfant ne signifie pas “rester calme en toutes circonstances” ; n’essayez pas d’étouffer vos colères/ frustrations, mais entraînez-vous à les exprimer de façon respectueuse (pensez à vous imprimer le “Kit Colère” si ce n’est pas déjà fait)
- Pour couper vos élans de fureur : focalisez-vous sur les besoins (les vôtres et ceux de votre enfant). De cette façon, vous pourrez à minima réorienter la vague avant qu’elle ne s’abatte sur vos enfants (par exemple, en criant votre besoin plutôt qu’en hurlant des menaces)
Maja Mijailovic – Accompagnante parentalité