Si vous cherchez à canaliser la colère de votre enfant, à lui apprendre à gérer ces émotions fortes et à les décharger sans crise (et sans retourner toute la maison ou se rouler par terre au milieu du supermarché), je souhaite vous apporter de nouveaux éclairages.
Sommaire 👉
Et si les crises de colère n’étaient plus jamais un problème ?
La première entrave au bon accompagnement des émotions de l’enfant, ce sont nos propres pensées de jugement.
Bien souvent, lorsqu’on cherche à enseigner aux enfants comment gérer leur colère, comment la canaliser, c’est parce qu’elle nous pose problème.
- Soit nous ne supportons pas l’idée qu’un enfant se mette en colère pour quelque chose qui nous paraît “insignifiant”,
- soit nous ne tolérons pas les comportements par lesquels il exprime cette émotion, avec quel fracas elle jaillit (en particulier quand nous sommes “en public”).
➜ Ces jugements négatifs au sujet de la colère, nous les portons quasiment tous en nous puisqu’ils découlent de l’éducation que nous avons reçue.
Si lorsque nous étions enfants nous n’avions pas la permission d’exprimer ce qui nous paraissait injuste, discriminant, dévalorisant ou que nos colères étaient tournées en dérision, nous avons pris l’habitude de la refouler, de la taire et de compenser par des solutions de pompiers pyromanes.
Grignoter, consommer de l’alcool ou de la drogue, se terrer dans des activités sportives ou artistiques, chacun a développé ses propres stratégies (plus ou moins délétères) pour supporter toutes ses tensions accumulées faute d’avoir été déchargées.
Il est tout à fait logique qu’ayant acquis ces “compétences” d’autosabotage, nous n’ayons aucune envie (inconsciemment) de permettre à nos enfants de jouir d’autres privilèges.
➜ Notre enfant intérieur qui a toujours dû taire sa colère, qui a été puni, culpabilisé, stigmatisé lorsqu’il se fâchait, n’est pas en mesure d’offrir accueil et tolérance.
Mais l’adulte que vous êtes peut à présent prendre du recul sur toutes ces croyances, ces modèles inscrits en vous pour les remettre en question et transmettre d’autres schémas.
Comment apprendre à libérer et décharger sa colère ?
Pour accompagner nos enfants sur le chemin de l’accueil des émotions, commençons par intégrer une définition réaliste de la colère.
Il est crucial de balayer définitivement toute interprétation de celle-ci comme étant négative, voire dangereuse et de la considérer comme à bannir.
Cessons de transmettre l’idée selon laquelle “colère” rime toujours avec “violence” :
Être en colère,
s’énerver,
exploser,
péter un câble
…est souvent perçue comme une violence en soi.
Non, les émotions ne sont pas une violence en soi, c’est leur expression qui peut-être violente.
Cessons de voir la colère comme une ennemie
- Parce qu’on entretient ce mythe éducatif au sujet des émotions : la colère serait négative.
- Parce qu’on est dérangé par un enfant qui la vit, lui ne sachant pas inhiber l’action, va exprimer ses émotions avec intensité.
➜ L’inhibition de l’action est une compétence liée aux fonctions exécutives supérieures nécessitant une maturité cérébrale que l’enfant acquiert plus tard. Les corrélations colère/violence n’existent donc que du fait de l’immaturité cérébrale (ou d’un dysfonctionnement, mais c’est un autre sujet), mais les adultes font tout pour les réprimer.
Les enfants grandissent avec cette même idée, ce qui crée un sentiment de honte, de culpabilité chaque fois qu’ils ressentent de la colère.
➜ Bien au contraire, la colère est une émotion saine. Comme toutes les émotions, elle est une alliée indispensable pour identifier nos besoins.
Ce qui est toxique c’est la frustration engendrée quand nos besoins ne sont pas comblés ET qu’on a dû étouffer le message que portait la colère.
Rendons sa place à l’émotion
Dans notre société, la pression très forte à l’obéissance et les rapports de domination amènent la plupart des individus à être gorgés de frustration.
Le mythe de la frustration “nécessaire” chez l’enfant pour l’empêcher de devenir un petit roi (ou un petit tyran), à l’origine de méthodes d’éducation, a largement provoqué tous les comportements déviants qu’on utilise pour tenter de soulager nos tensions.
➜ Pour éviter de reproduire ces mêmes méfaits sur nos enfants, il est nécessaire de redonner toute sa place à la colère et de comprendre que celle-ci peut tout à fait être exprimée sans blesser personne.
Comment expliquer la gestion des émotions aux enfants ?
Les enfants apprennent principalement par imitation. Si nombre de leurs réactions sont d’abord spontanées (crier, taper, jeter, etc.), en grandissant ils s’imprègnent de ce qu’ils ont l’occasion d’observer le plus souvent.
Il est illusoire, voire hypocrite, de vouloir leur apprendre à “gérer” leurs émotions si nous-mêmes ne savons les exprimer sainement, sans violence.
Afin d’accompagner les enfants à acquérir leur autonomie en étant connectés à leurs émotions, je vous invite à d’abord travailler à vous connecter aux vôtres. Cela comprend toutes les émotions non “digérées”, accumulées depuis longtemps.
➜ Si vous ressentez fréquemment des sentiments de bouillonnement, proche de l’état de rage, ou si vous en avez connu par le passé, mais que vous avez pris l’habitude de les refouler, n’hésitez pas à vous isoler, à décharger ces tensions, au besoin en tapant des pieds et des poings jusqu’à être vidé.e de cette charge.
Avec le temps, votre corps sera entendu, vos émotions (passées et présentes) vécues. Vous n’aurez alors plus à vous agiter pour vivre vos tempêtes émotionnelles et pourrez passer à l’étape supérieure de l’expression saine de la colère.
Comment rester un parent bienveillant quand on est soi-même en tension ?
La colère à son paroxysme peut être explosive et créer des dégâts, mais c’est aussi un vrai signal à écouter.
Pour éviter que l’explosion ne crée des dommages collatéraux, il est important d’apprendre à l’identifier, et à trouver des stratégies alternatives.
Exprimer ses émotions autrement, c’est tout un art lorsqu’on a toujours fonctionné comme ça.
➜ Le premier pas, c’est de reconnaître lorsque quelque chose nous froisse et de l’exprimer sans violence.
Mais parce qu’il est encore trop souvent induit que pour être un parent bienveillant il faut rester calme et doux en toutes circonstances, de nombreux adultes continuent d’accumuler leurs frustrations au lieu d’accueillir leurs ressentis en les considérant tous comme étant légitimes.
- N’attendez pas que la pression soit trop forte et vous empêche de raisonner logiquement.
- Posez-vous, mettez les choses à plat dès la première frustration ressentie, et surtout : RESPIREZ ! C’est la 1ère chose à faire pour débloquer vos émotions et gagner en sérénité.
- Vous pourriez voir que finalement tout va bien, et la raison de votre colère aujourd’hui pourrait vous paraître futile demain.
Si ce n’est pas déjà fait, je vous invite bien sûr à télécharger mon “Kit colère” qui explique de façon plus exhaustive les alternatives à utiliser pour changer vos habitudes.
Comment calmer un enfant qui pique une colère ?
Comprenons le mécanisme physiologique qui se joue
Ce qu’il se passe lorsqu’on vit des émotions, quelles qu’elles soient – frustration, colère, impuissance, peur, nervosité… – c’est qu’elles sont régies par la partie arrière du cerveau : l’amygdale.
Dans les circuits neuronaux, l’émotion va monter et occuper beaucoup d’espace, laissant moins de place pour le reste.
Or, les fonctions permettant l’expression fluide et non violente de cette émotion : l’analyse de la situation, la prise de recul, l’inhibition… sont logées dans la partie préfrontale du cerveau.
C’est la maturation de cette zone et des connexions cérébrales qui permettent d’empêcher (ou pas) les émotions d’être aux commandes de nos comportements.
Mais chez l’enfant, il y a très peu de connexion entre ces deux zones. Donc ses émotions vont occuper tous ses circuits et même les submerger le temps que l’émotion le traverse comme une vague.
➜ C’est pour cette raison qu’on ne calme pas quelqu’un qui est dans ces états-là, on va juste l’accompagner pour que la vague passe. On ne peut rien faire contre une vague, on va juste apprendre à la surfer.
Restons stables sur notre planche
Lorsque nous, adultes, (en principe dotée d’une meilleure maturation cérébrale) vivons cette vague d’informations qui occupent nos circuits, comme nous avons des connexions matures entre l’amygdale et la zone préfrontale. Nous pouvons accompagner cette vague d’une façon différente.
Quand l’enfant est submergé, il a besoin d’une bouée, il a besoin d’aide, il n’a pas ces circuits-là, donc c’est nous qui allons jouer ce rôle.
L’objectif ce n’est pas d’étouffer, de mettre un couvercle, d’éteindre l’émotion.
L’objectif c’est juste d’accompagner l’émotion, comme un surfeur sur une vague.
6/ Comment réagir face à la colère de l’enfant ?
Une fois que nos propres réactions au mécontentement sont plus écologiques et respectueuses de tous, comment accompagner efficacement un enfant en pleine tempête émotionnelle ?
➜ La colère de l’enfant se manifeste la plupart du temps par des cris, des pleurs, des coups, de façon spontanée.
Pour rappel, ces comportements sont “normaux” parce que jusqu’à 6/7 ans, les connexions cérébrales du petit humain ne lui permettent pas de faire autrement.
Par conséquent, il vaut mieux ÉVITER :
- De demander à l’enfant d’arrêter sa crise. S’il le pouvait, il ne se mettrait pas dans cet état,
- de réprimander, crier, attaquer avec des « tu« , contenir l’enfant (sauf mise en danger), le laisser seul ou l’isoler. Les VEO* ne sont jamais la solution. (*violences éducatives ordinaires)
- de demander à l’enfant à chaud la raison de sa colère. Les fonctions supérieures de l’enfant sont, pour le moment, non opérantes . Lui demander « pourquoi » ne fera qu’intensifier son émotion.
La démarche d’accompagnement respectueux des tempêtes émotionnelles de l’enfant : la posture “S.A.V.E.” :
- STOPPER : parer les coups, sans les contenir. Employer un ton calme et neutre : « OK tu es en colère, mais je ne peux pas te laisser faire ça »
- ACCUEILLIR : ce que l’enfant exprime, ou tente d’exprimer. Être présent, dans le moment et soutenant.
- VALIDER : les sentiments de l’enfant sont légitimes, il a le droit de les avoir et de les exprimer, à ce stade il faut les valider sans ressentiment en étant sincère et empathique de son état.
- ENCOURAGER à faire autrement. Cela nécessite, après chaque colère et lorsque l’enfant a retrouvé tout son calme (de longues heures après, autrement dit « à froid »), de donner à l’enfant des outils pour faire autrement. Quand il aura la maturité cérébrale suffisante, il finira par s’en servir.
Et quand l’adulte est débordé lui aussi par ses émotions ?
L’Accompagnement Respectueux des Enfants, contrairement à la parentalité positive, est une démarche qui tient compte de la réalité du parent : son vécu, ses bagages et sa vie quotidienne qui peut comporter toutes sortes de difficultés.
Oui, les parents peuvent s’énerver et être « hors d’eux ». À titre personnel, ça m’arrive, bien sûr ! Plus rarement dans l’interaction avec mes enfants parce qu’il en faut beaucoup maintenant pour que leurs comportements (stratégies pour remplir leurs besoins) viennent confronter mes propres besoins, mais bien évidemment je ne suis pas toujours calme.
Un humain n’est pas une statue : il est traversé par des émotions régulièrement.
➜ Je vous invite dans ce type de cas à vous servir de votre empathie pour vous-même en priorité (de la même façon que préconisé en cas d’accident en avion ; on applique d’abord le masque à oxygène sur soi avant de prendre soin des autres) et de vous focaliser sur l’essentiel dans l’absolu : “Primum non nocere” ; ne pas blesser l’enfant par des paroles ou des gestes.
Maja Mijailovic – Accompagnante parentalité